CHAPITRE II
LE BALAI NEUF
Le vieux roi qui habite de l’autre côté des montagnes envoya ses soldats razzier le pays d’Ochori, ils emmenèrent dix femmes et quarante chèvres ; de plus, c’était une année de maladie et les chèvres avaient une grande valeur. Ils revinrent huit jours après, puis encore la semaine suivante.
M. le commissaire Sanders fit demander des explications au vieux roi et s’achemina vers Ochori pour y rencontrer l’envoyé du vieillard.
Un certain jour, Buliki, premier ministre du grand roi K’salugu-M’nobo, descendit de la montagne ; il arriva très hautain, escorté de soixante-quatre porteurs de sagaies, chacun revêtu de la peau de léopard de l’armée royale, c’est-à-dire d’une peau à trois queues de singe, image de la rapidité, de la férocité et de l’agilité de ses hommes.
Sanders, dont l’escorte était moins imposante, attendait dans la cité des Ochori l’arrivée de cette mission ; elle avait deux jours de retard, et se présentait maintenant, non pas de grand matin, comme il avait été expressément convenu, mais en pleine chaleur. Assis les jambes croisées sur son pliant, Sanders mâchait un cigare neuf et traçait de petits dessins sur le sable avec sa canne d’ébène.
Derrière lui se tenait Bosambo, grand et droit, son dos brun nu faisant saillir des muscles à chaque mouvement, chef et roi d’Ochori au Nord et au Sud.
Et derrière l’abri qui avait été dressé pour servir de case à palabre il y avait un détachement de Houssas, hommes à faces cuivrées maniant leurs fusils avec une aisance qui inspirait un grand respect à la foule serrée des naturels, accourus pour assister à cette mémorable entrevue.
Sanders ne disait mot, sachant que l’heure n’était pas aux confidences et que très probablement Bosambo était tout aussi instruit que lui-même des délits du grand roi. Au nord des montagnes se trouvait en effet un territoire indépendant qui ne reconnaissait d’autre gouvernement ou roi que les siens propres.
Cet état de choses se prolongerait-il ou non, voilà qui ne dépendait pas absolument de l’entrevue, Sanders sachant pertinemment qu’il faudrait au moins quatre bataillons pour forcer les passes des montagnes et que le gouvernement britannique était hostile à toute guerre en ce moment.
La garde royale que le petit souverain avait donnée à son ministre tourna sur la grande place et s’aligna face à Sanders. Les Houssas la regardèrent avec tout l’intérêt qu’inspire au