: George Sand
: Consuelo III
: Books on Demand
: 9782322091706
: 1
: CHF 2.40
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: Krimis, Thriller, Spionage
: French
: 490
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Il s'agit de la principale somme romanesque de George Sand, oeuvre de sa maturité (1842), dont elle renferme les secrets. L'héroïne est une cantatrice. La première partie se déroule à Venise, c'est une nouvelle musicale avec une intrigue amoureuse ; la deuxième est un roman historique et fantastique, situé à Riesenburg ; la troisième, récit de voyage, d'aventures, musical et historique, se tourne vers Vienne, où se passe la quatrième, ainsi qu'à Prague, qui mélange tous les éléments précédents. L'action se déroule entre 1742 et 1755. Consuelo est d'abord un roman d'aventures passionnant. Mais la trame soutient les idées historiques, sociales, politiques, esthétiques, musicales. La protagoniste est une fille du peuple, comme l'auteur par sa mère. Elle vivra entourée d'hommes, jusqu'à son mariage avec le comte de Rudolstadt.

George Sand, pseudonyme d'Amantine Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant, est une romancière, dramaturge, épistolière, critique littéraire et journaliste française, née à Paris le 1er juillet 1804 et morte au château de Nohant-Vic le 8 juin 1876. Elle compte parmi les écrivains les plus prolifiques, avec plus de 70 romans à son actif et 50 volumes d'oeuvres diverses dont des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre et des textes politiques. À l'image de son arrière-grand-mère, qu'elle admire, Madame Dupin (Louise de Fontaine 1706-1799), George Sand prend la défense des femmes, prône la passion, fustige le mariage et lutte contre les préjugés d'une société conservatrice. George Sand a fait scandale par sa vie amoureuse agitée, par sa tenue vestimentaire masculine, dont elle a lancé la mode, par son pseudonyme masculin, qu'elle adopte dès 18294, et dont elle lance aussi la mode : après elle, Marie d'Agoult signe ses écrits Daniel Stern (1841-1845), Delphine de Girardin prend le pseudonyme de Charles de Launay en 1843.

LXXIV


Le premier jour de ce nouveau trajet, comme nos voyageurs traversaient une petite rivière sur un pont de bois, ils virent une pauvre mendiante qui tenait une petite fille dans ses bras, et qui était accroupie le long du parapet pour tendre la main aux passants. L’enfant était pâle et souffrant, la femme hâve et grelottant de la fièvre. Consuelo fut saisie d’un profond sentiment de sympathie et de pitié pour ces malheureux, qui lui rappelaient sa mère et sa propre enfance.

« Voilà comme nous étions quelquefois, dit-elle à Joseph, qui la comprit à demi-mot, et qui s’arrêta avec elle à considérer et à questionner la mendiante.

– Hélas ! leur dit celle-ci, j’étais fort heureuse encore il y a peu de jours. Je suis une paysanne des environs de Harmanitz en Bohême. J’avais épousé, il y a cinq ans, un beau et grand cousin à moi, qui était le plus laborieux des ouvriers et le meilleur des maris. Au bout d’un an de mariage, mon pauvre Karl, étant allé faire du bois dans les montagnes, disparut tout à coup et sans que personne pût savoir ce qu’il était devenu. Je tombai dans la misère et dans le chagrin. Je croyais que mon mari avait péri dans quelque précipice, ou que les loups l’avaient dévoré. Quoique je trouvasse à me remarier, l’incertitude de son sort et l’amitié que je lui conservais ne me permirent pas d’y songer. Oh ! que j’en fus bien récompensée, mes enfants ! L’année dernière, on frappe un soir à ma porte ; j’ouvre, et je tombe à genoux en voyant mon mari devant moi. Mais dans quel état, bon Dieu ! Il avait l’air d’un fantôme. Il était desséché, jaune, l’œil hagard, les cheveux hérissés par les glaçons, les pieds en sang, ses pauvres pieds tout nus qui venaient de faire je ne sais combien de cinquantaines de milles par les chemins les plus affreux et l’hiver le plus cruel ! Mais il était si heureux de retrouver sa femme et sa pauvre petite fille, que bientôt il reprit le courage, la santé, son travail et sa bonne mine. Il me raconta qu’il avait été enlevé par des brigands qui l’avaient mené bien loin, jusque auprès de la mer, et qui l’avaient vendu au roi de Prusse pour en faire un soldat. Il avait vécu trois ans dans le plus triste de tous les pays, faisant un métier bien rude, et recevant des coups du matin au soir. Enfin, il avait réussi à s’échapper, à déserter, mes bons enfants ! En se battant comme un désespéré contre ceux qui le poursuivaient, il en avait tué un, il avait crevé un œil à l’autre d’un coup de pierre ; enfin, il avait marché jour et nuit, se cachant dans les marais, dans les bois, comme une bête sauvage ; il avait traversé la Saxe et la Bohême, et il était sauvé, il m’était rendu ! Ah ! que nous fûmes heureux pendant tout l’hiver, malgré notre pauvreté et la rigueur de la saison ! Nous n’avions qu’une inquiétude ; c’était de voir reparaître dans nos environs ces oiseaux de proie qui avaient été la cause de tous nos maux. Nous faisions le projet d’aller à Vienne, de nous présenter à l’impératrice, de lui raconter nos malheurs, afin d’obtenir sa protection, du service militaire pour mon mari, et quelque subsistance pour moi et mon enfant ; mais je tombai malade par suite de la révolution que j’avais éprouvée en revoyant mon pauvre Karl, et nous fûmes forcés de passer tout l’hiver et tout l’été dans nos montagnes, attendant toujours le moment où je pourrais entreprendre le voyage, nous tenant toujours sur nos gardes, et ne dormant jamais que d’un œil. Enfin, ce bienheureux moment était venu ; je me sentais assez forte pour marcher, et ma petite fille, qui était souffrante aussi, devait faire le voyage dans les bras de son père. Mais notre mauvais destin nous attendait à la sortie des montagnes. Nous marchions tranquillement et lentement au bord d’un chemin peu fréquenté, sans faire attention à une voiture qui, depuis un quart d’heure, montait lentement le même chemin que nous. Tout à coup la voiture s’arrête, et trois hommes en descendent. “Est-ce bien lui ? s’écrie l’un. – Oui ! répond l’autre qui était borgne ; c’est bien lui ! sus ! sus !” Mon mari se retourne à ces paroles, et me dit : “Ah ! ce sont les Prussiens ! voilà le borgne que j’ai fait ! Je le reconnais ! – Cours ! cours ! lui dis-je, sauve-toi.” Il commençait à s’enfuir, lorsqu’un de ces hommes abominables s’élance sur moi, me renverse, place un pistolet sur ma tête et sur celle de mon enfant. Sans cette idée diabolique, mon mari était sauvé ; car il courait mieux que ces bandits, et il avait de l’avance sur eux. Mais au cri qui m’échappa en voyant ma fille sous la gueule du pistolet, Karl se retourne, fait de grands cris pour arrêter le coup, et revient sur ses pas. Quand le scélérat qui tenait son pied sur mon corps vit Karl à portée : “Rends-toi ! lui cria-t-il, ou je les tue&nb