: Thomas Arquin
: L'Enflammé
: Books on Demand
: 9782322552412
: 1
: CHF 11.60
:
: Science Fiction
: French
: 470
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Alors que Lucas Foques, 18 ans, tombe soudainement amoureux, il se met à changer... physiquement. Une force surhumaine, des sens affutés comme jamais, une faculté de guérison surprenante... Sans oublier ce feu qui lui ravage la poitrine, entre plaisir et douleur, opportunité et fléau, amour et haine. Et si derrière cet amour se cachait quelque chose de bien plus complexe qu'un coup de foudre ? Et si tout ceci n'avait rien d'humain ?

Thomas Arquin est né à Montpellier dans le sud de la France. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il a toujours été solitaire et son imagination fut alors sa meilleure amie. Il écrit des petites histoires effrayantes et des poèmes dés l'âge de 6 ans Après avoir grandi au milieu des livres, dont la science-fiction et le fantastique obtiennent ses faveurs, il intègre l'Education Nationale en tant que professeur d'espagnol. L'Enflammé est son premier roman, les prémices d'une trilogie imaginée alors qu'il était lui-même encore étudiant à l'université. En 2022 il remporte le prix des Wattys sur une plateforme en ligne dans la catégorie"meilleur roman paranormal".

Chapitre 2 : La brûlure


La semaine passa vite. Très vite. J'étais surpris de la rapidité à laquelle j'avais pris mes nouvelles marques dans cette vie que j'avais cru si trépidante. J'avais rencontré au fil des jours la totalité de l'équipe pédagogique, et dans l'ensemble j'avais trouvé que la plupart des professeurs constituait une équipe fort sympathique.

Le lundi nous commencions par M. Goblin, lequel se chargeait des classes de chimie organique. Le mardi, j'avais pour unique cours magistral les cycles biologiques chez les animaux et végétaux avec le professeur Miles, un homme d'une quarantaine d'années qui souriait quelle que soit la situation, y compris quand Fanny pouffait de rire sous sa table en ramassant son rouge à lèvres. L’après-midi, je terminais par un enseignement d’exploration obligatoire et contrairement à Fanny, j’avais opté pour l’espagnol, une discipline assurée par Mme Ribes, une quadragénaire naturelle qui ne s’embarrassait pas avec des fioritures.

Le mercredi se révélait le jour le plus complet de la semaine, où j'enchaînais les mathématiques de la modélisation, l'architecture de la matière et l'introduction à la géologie, cours respectivement assurés par Mme Carceles, Mme Ranema et M. Delolme. Mme Carceles, une femme âgée de trente-cinq ans environ et aux allures maternelles, se vêtait toujours de tenues extravagantes. Fanny et sa bande hurlaient de rire lorsqu'elles découvraient de quels vêtements elle s'affublait, et ma camarade attitrée n'avait cessé de me taquiner quand l'enseignante m'avait instinctivement appelé « chéri » en pleine séance. Mme Ranema se trouvait en revanche aux antipodes de sa collègue. Elle arrivait toujours à l'heure, s'exprimait de manière claire et concise et dégageait une telle élégance que même Fanny en éprouvait de la jalousie. Quant à M. Delolme, il m'avait paru fort antipathique de prime abord, mais au fur et à mesure que le cours avançait, il s'était montré plutôt investi dans son travail et nous rassurait lorsque nous étions perdus. Le jeudi, nous débutions avec Mme Laventi pour la Science de la vie, qui malgré l'heure matinale, se dandinait sur son estrade pendant qu'elle faisait son cours. Elle était très souvent prise de tics nerveux qu'elle exprimait à travers diverses grimaces, et Fanny ne perdait jamais une occasion de l'imiter afin de glousser avec ses copines. L’après-midi, nous retrouvions de nouveau Mme Ranema pour des travaux pratiques.

Nous étions libres le vendredi, et je devais bien avouer que notre emploi du temps était loin d'être chargé le reste de la semaine. Cependant, Fanny et ses comparses se plaignaient sans cesse des cours selon elles trop matinaux et elles prévoyaient déjà d'en parler à l'administration pour effectuer un changement d’horaire.

*

Mardi passé, Fanny n'avait pas hésité à me solliciter sur ce que j'étais allé faire à l'infirmerie, elle avait visiblement passé une nuit blanche à échafauder différents scénarios, tous plus mystérieux les uns que les autres.

— Je devais rendre un certificat médical pour justifier mes éventuelles absences, lui expliquai-je à contrecoeur, en ayant l'impression de revivre la scène avec la secrétaire odieuse.

— Tu es handicapé ? Est-ce qu'il s'agit d'une maladie gênante ? Tu sais que Judith (la grosse qu'on appelle Peggie), est aussi atteinte ? Tu ne devineras jamais ce qu'elle a... Tiens-toi bien ! Les filles étaient choquées en l'apprenant !

Elle marqua une pause théâtrale pour ajouter plus de surprise à son récit, attendant que j’établisse une supposition acceptable, mais comme je gardais le silence elle se mit à chuchoter, dans le doute paranoïaque que quelqu'un l'écoutait à son insu.

— Elle a une MST !

— Ah... dis-je, un peu mal à l'aise de connaître une anecdote sur la vie intime d’une fille que j’avais encore du mal à identifier.

— Une maladie sexuellement transmissible ! précisa Fanny, voyant que je n’étais pas suffisamment scandalisé.

Je la laissai déblatérer ses théories les plus saugrenues dans l'espoir que son monologue l'éloignerait de la réponse que je ne lui avais pas donnée au sujet de ma pathologie. À peine avait-elle exprimé son étonnement sur le fait que Peggie était sexuellement active malgré sa corpulence, qu'elle revint à la charge.

— Et toi alors, tu as quoi ? Enfin, si ce n'est pas indiscret, ajouta-t-elle, comme si la perspective de se montrer curieuse lui était intolérable.

— Une cardiopathie congénitale, finis-je vainement par avouer.

Elle me fixa comme si j'étais sur le point de disparaître devant ses yeux, terrassé par un symptôme dévastateur.

— Ce n'est pas une maladie grave, m'empressai-je de clarifier, de peur de devenir la cible de la pitié générale. — Et... qu'est-ce que ça te provoque ?

Elle s’arrêta en chemin et resta debout l’air affolé, en plein milieu du passage. Les étudiants derrière elle la contournèrent agacés.

— Des manifestations plutôt bénignes, comme un essoufflement si je cours. Rien de préoccupant.

Depuis ce jour, je soupçonnai Fanny d'en avoir averti toute l'université. Je ne pouvais pas lui en vouloir cependant, déjà parce que je la savais pertinemment incapable de ne pas informer tous les gens lui tombant sous la main ; ensuite, j'avais vite compris que son but ne relevait pas de la pure méchanceté.

Certes, se charger de répandre la nouvelle avait dû lui procurer un plaisir incommensurable, mais j'avais remarqué qu'en cours les étudiants me ménageaient. Lors des travaux pratiques —j’étais en binôme avec Fanny, j'étais d'ailleurs étonné qu'elle ait préféré ma compagnie à celle d'une de ces commères —, elle faisait particulièrement attention à ce que je ne me trouve pas en présence de produits dangereux. Elle avait sévèrement sermonné Roxanne quand elle m'avait fait sursauter en déboulant d'un couloir silencieux. De même, elle veillait scrupuleusement à ne pas employer des mots tels quecoeur oucrise, et évitait de me faire rire de trop, comme si m'esclaffer allait me déclencher un infarctus. Je ne l'avais guère imaginée protectrice, bien au contraire. L'expressionil faut se méfier des apparences ne m'avait jamais paru aussi véridique.

Toutefois, l'affinité que j'avais ressentie à son égard s'était quelque peu estompée quand j'avais dû me coltiner Roxanne, qui essayait sans cesse de me séduire misérablement. J'étais persuadé que si elle tentait une approche plus qu'amicale c'était parce que Fanny l'avait influencée le premier jour de classe. Malheureusement pour moi, Roxanne était une des personnes les plus pénibles que je connaisse (j'en possédais pourtant une collection complète à la Chapelle) et qui souffrait d'une manie insupportable consistant à me prendre de haut sous prétexte qu’elle avait déjà une année universitaire à son actif.

Au début, j’étais vexé par sa condescendance jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’elle réservait le même traitement à l’ensemble de la promotion. Tous les étudiants s'abstenaient soigneusement de poser la moindre question quand elle se trouvait dans les parages, car à peine entendait-elle une interrogation dans la voix de l'un d'entre nous, qu'elle se mettait à nous déblatérer des propos illustratifs et un soupçon moralisateurs. C'est de cette manière qu'elle m'avait d'ailleurs maladroitement dragué, en me faisant un exposé sur les modalités d'évaluation pour chaque matière.

— Je pense que tu n'as pas compris la différence entre contrôle continu et contrôle terminal, disait-elle sur un ton impérieux. Laisse-moi tout t'expliquer, on va commencer par le début. Je pourrai venir chez toi si tu veux, on sera plus tranquilles. À moins que tu n'aies une petite-amie jalouse !

La transition entre le prétexte et le but initial avait été si abrupte que même Fanny en avait éprouvé une certaine gêne. Dès qu'elle avait osé formuler sa demande, j'avais immédiatement maudit Fanny et sa qualité d’entremetteuse. Je fus contraint de mentir à ma prétendante en m'inventant une petite amie imaginaire. Je ne me souvenais même plus du nom que je lui avais donné. Heureusement Fanny, prévenante et désirant racheter sa faute, me rappela que ma copine s’appelait prétendument Lucie.

*

Oui, la semaine...