: Nathalie Thomas-Verney
: Destins Interdits
: Books on Demand
: 9782322489862
: 1
: CHF 7.10
:
: Hauptwerk vor 1945
: French
: 490
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Julian a seize ans. Jeune délinquant et ancien toxicomane, il habite un vieux mobil-home vétuste avec sa mère et sa petite soeur. Très vite déscolarisé, il gagne de l'argent dans des combats de boxe, la nuit, dans les sous-sols des immeubles des cités. Julian n'a qu'une passion : le muay thaï ou boxe thaïlandaise, où il excelle. Mais il n'a pas de rêve, pas d'avenir. Kentin a seize ans. Adolescent brillant dont la beauté n'a d'égale que l'intelligence, il est le fils unique d'Alexandre Dumont de Givry, dix-neuvième comte de Givry, et habite le château de ses illustres ancêtres. Kentin a un rêve secret : devenir créateur de parfums, ce qui n'est pas du goût de son père. Julian et Kentin vivent à quelques centaines de mètres l'un de l'autre mais ils ignorent totalement leurs existences respectives. Une relation ambigüe qui commence par un viol, un pardon qui mènera le jeune Julian aux portes de l'enfer. Deux existences qui n'auraient jamais dû se croiser ; deux mondes qui n'auraient jamais dû se rencontrer ; deux destins qui n'auraient jamais dû s'unir : deux destins interdits." Il n'y a pas de mal qui ne passe pas au bien" (William Shakespeare).

Née à Montereau-Fault-Yonne, Nathalie Thomas-Verney a toujours été amoureuse de sa région, entre vallée de la Seine et forêt de Fontainebleau. Son premier roman,"Le dernier chant du rossignol" sorti en avril 2018 et réédité en décembre 2022, sera primé au concours des Arts Littéraires en 2019. Son second roman,"Destins Interdits", édité en 2019, a reçu le prix du jury du concours international littéraire du Golden Aster Book de Rome en janvier 2020.

Blaise en avait assez : c’était la troisième fois ce mois-ci qu’on lui faisait faire des heures supplémentaires. Ce soir, encore on l’avait envoyé relever les niveaux de la station de pompage, en bas de la route de Seine. Nous étions en novembre, le fleuve ne manifestait aucun caprice à cette période. Il lui était donc inutile de passer. La nuit tombait tôt, aussi laissa-t-il allumés les feux de sa voiture de service, le temps d’ouvrir la barrière. Quelque chose sur le bord de la route attira son attention. Il s’approcha : un sac de cours contenant des livres et une tablette. Blaise les ramassa et les posa sur le siège passager puis, il remonta dans sa voiture. Il vit alors des vêtements éparpillés dans l’herbe. Cela n’était vraiment pas normal. Il sortit une nouvelle fois et, toujours éclairé par la lumière des feux, s’approcha du bosquet. Parmi les hautes herbes sèches, caché derrière les arbres, il distingua un corps. Sa bouche devint sèche. Il saisit maladroitement la lampe torche dans la voiture et s’approcha lentement.

— Bon Dieu ! dit-il en s’agenouillant près du corps, mais c’est un gamin ! Qu’est-ce que tu fais là bonhomme ?

Il approcha la lampe un peu plus près et retourna avec précautions le jeune garçon.

— Oh mince ! C’est le fils du comte ! Attends mon p’tit gars, je vais chercher la couverture de survie et je reviens.

Joignant le geste à la parole, Blaise revint avec la couverture qu’il posa délicatement sur le corps du garçon.

— Faut que j’appelle l’hôpital… et le comte aussi. Purée, mais pourquoi faut que ça tombe sur moi !

Les pompiers arrivèrent les premiers sur les lieux. Ils firent un rapide examen de l’état du jeune garçon, et sortirent le brancard pour l’emmener. À ce moment, une grosse Mercedes noire s’arrêta à leur hauteur. Un homme d’une grande prestance en sortit.

— Monsieur le comte, votre fils est vivant. Nous l’emmenons à l’hôpital.

— Laissez-moi juger de son état. S’il est transportable, je le ferai emmener à ma clinique parisienne. Que s’est-il passé ?

Alexandre, comte de Givry, poussa la couverture et découvrit le corps de son fils. Malgré la tristesse et la colère qui envahissaient son cœur, il resta professionnel et procéda à un examen complet de Kentin.

— Appelez ma clinique, dites-leur de m’envoyer un hélicoptère et de préparer la piste. Kentin sera transporté et soigné là-bas.

— Êtes-vous sûr qu’il est transportable, monsieur ?

— Je suis médecin, lieutenant, je sais ce que je fais.

— Bien, monsieur.

À ce moment, une voiture de police arriva. Deux hommes en sortirent prestement. L’un d’eux vint saluer le comte.

— Bonsoir, Alexandre. Que s’est-il passé ?

— Bonsoir, Tristan. Je suis content que ce soit toi qui sois venu.

Les deux hommes étaient amis depuis de longues années.

Le lieutenant des pompiers se présenta au policier.

— Inspecteur, le jeune garçon a été retrouvé dans ce bosquet, nu et portant plusieurs marques sur le corps. Il a probablement été agressé en revenant du lycée.

— C’était une très mauvaise idée de l’écouter et de le laisser prendre les transports en commun, dit Alexandre de Givry à lui-même, voilà où ça nous mène.

— Alexandre, nous trouverons le ou les coupables, je te le promets. Laisse-nous un peu de temps, s’il te plaît.

Le bruit d’un hélicoptère traversa le ciel nocturne.

— Je vais accompagner mon fils jusqu’à ma clinique. Peuxtu demander à l’un de tes hommes de ramener ma voiture au château ?

— Bien entendu. Lani est-elle au courant ? Quand elle va apprendre pour son fils… Je peux me charger de le lui annoncer, si tu veux, Alexandre.

— Merci. Dis-lui que les jours de Kentin ne sont pas en danger, mais qu’il nécessite d’être hospitalisé quelques jours. Dis-lui qu’elle pourra venir le voir dès demain, dis-lui…

— Alexandre, ne fais pas attendre l’hélicoptère. Ton autorisation de survoler Paris n’est pas infinie. Je me charge de prévenir Lani, ne t’inquiète pas. À présent, je parle au médecin, plus à mon ami : sais-tu ce qui s’est passé ?

— D’après mes premiers examens, je pense, non, je suis persuadé qu’il s’agit d’un viol. S’il te plaît, ne le mentionne pas dans ton rapport. Je préférerais que tu parles d’agression.

— Je comprends. On en reparlera à ton retour.

Alexandre fit un signe de tête au pilote et l’hélicoptère s’éleva dans la nuit, en direction du fleuve.

— Quelle merde ! dit l’inspecteur Robert en frappant du pied le pneu de sa voiture.

Qui avait bien pu faire du mal à Kentin ? Ce gamin était adorable, sa gentillesse et sa douceur n’avaient pas d’égal. Il aurait préféré n’importe quelle enquête, mais pas celle-là.

Lorsque Julian pénétra dans le chalet, il faisait nuit. Anastasia regardait la télévision, un plaid sur les genoux. Dès le premier regard, elle comprit que quelque chose n’allait pas. Le jeune garçon était pâle comme la mort. Elle se leva, et se porta audevant de lui.

— Julian ? Que se passe-t-il ? Qu’as-tu ?

Il ne répondit pas. Ses jambes se dérobèrent sous lui, et il s’écroula sur une chaise.

— J’ai… j’ai fait une connerie, finit-il pas articuler avec peine.

— Encore une ! Veux-tu réellement finir ton adolescence dans un foyer pour jeunes délinquants ?

Anastasia s’était levée. À présent, elle se tenait debout, à côté de Julian, et tenait sa main entre les siennes. Sa peau était froide et tout son corps était parcouru de tremblements qu’il ne parvenait pas à réfréner.

— Avec… la bande… on a… sa phrase resta en suspens.

— Vous avez quoi ? s’impatienta-t-elle.

— Ana, l’fils du comte… j’t’avais dit qu’il prenait l’bus… le même que nous… que j’lui avais parlé une fois… qu’il m’avait ignoré… je… j’m’étais juré d’me venger… je… j’voulais lui faire payer, je…

Son discours devenait de moins en moins cohérent.

— Julian, qu’est-ce que le jeune Kentin de Givry vient faire là-dedans ?

— Ce soir… il …est … descendu… du bus… On l’a suivi. On voulait juste… lui faire peur, Julian se mit à trembler. On voulait juste… lui faire comprendre qu’on était sur notre territoire et…

— Et quoi ?

— Et ça s’est terminé… mal.

— Mal ?

— Un viol.

Julian avait lâché ce mot avec la sensation que tout son corps se vidait de sa substance.

Anastasia le gifla violemment.

— Vous n’êtes qu’une bande de minables. À un contre quatre, comment avez-vous pu ? Mais enfin, pourquoi ? Comment ? Vous n’êtes pourtant pas portés sur les garçons, toi en tout cas.

Julian gardait le silence, son regard perdu dans la nuit, pardelà la fenêtre, par-delà l’obscurité, par-delà la raison. Elle poursuivit, livrant tout haut le fond de sa pensée.

— Quand le comte va savoir ça, et il le saura, vous allez tous finir en maison de redressement. Veux-tu vraiment terminer comme ton père ?

— Ana, j’me sens pas bien. J’ai envie d’vomir.

— Qui était avec toi ? Qui a participé à votre petite orgie ? Anastasia ne cachait ni sa colère, ni son dégoût.

— Dédé, Lolo et Robert, et Steph.

— Et je suppose que chacun d’entre vous est rentré chez lui tranquillement.

— J’en sais rien et j’m’en fous, s’écria Julian en se levant, poussant un pot de fleurs avec violence.

— Vous êtes tous dans la merde. Tu le sais, n’est-ce pas ? Julian fit un oui de la tête. Écoute, tu vas rester ici cette nuit. On en reparlera demain matin, et on verra. Comment va le petit de Givry ?

— Je… j’sais pas. Il a perdu connaissance et on s’est...