: Alexandre Dumas
: La Princesse Flora
: Books on Demand
: 9782322463411
: 1
: CHF 4.50
:
: Erzählende Literatur
: French
: 176
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Èlie-Petrovitch Pravdine, capitaine-lieutenant sur la frégate russe l'Espérance, a une passion exclusive pour la mer, son bateau et ses hommes. Il fait la connaissance d'une très belle femme, la princesse Flora qui va faire naître chez lui un amour irraisonné...

Alexandre Dumas dit Alexandre Dumas fils, né le 27 juillet 1824 à Paris et mort le 27 novembre 1895 à Marly-le-Roi, est un romancier et dramaturge français. Il fut comme son père un auteur à succès. Il est connu principalement pour son roman La Dame aux camélias, ainsi que pour deux pièces de théâtre, Le Fils naturel et Un père prodigue.

II – Remède contre la folie.


Deux semaines après cette revue de la flotte russe, dans le salon commun de la frégatel'Espérance, à onze heures du soir, soupait le docteur Stettinsky.

Tous les autres officiers étaient déjà rentrés dans leurs cabines, de sorte que le digne docteur soupait seul. Mais le fils d'Esculape, par une habitude digne de louanges, était resté pour le vin de Porto. En appréciant le vin et en le buvant, en le buvant et en l'appréciant, il en était venu à se demander si c'était sa tête qui tournait sur ses épaules, ou si c'étaient les objets qui tournaient autour de sa tête. Ayant beaucoup plus de tendance à adopter la dernière opinion, le docteur, à ce qu'il paraissait, attendait, la main étendue, le moment favorable de saisir au passage une de ces bouteilles qui dansaient la polonaise sur la table. Il avait déjà essayé deux fois de s'emparer de la belle danseuse, éclairée par la bougie, qui brillait à peine au milieu des bouteilles, comme la raison parmi les passions ; mais son regard, mal combiné avec le mouvement de sa main, avait fait que deux fois la rebelle lui avait échappé, et que cette main continuait de s'égarer dans l'espace. Il lui semblait que le goulot de la capricieuse amphore lui glissait entre les doigts comme un écolier qui joue au colin-maillard. Par malheur, le roulis augmentait à chaque instant, et, comme dans la lutte de deux forces, la force attractive et la force répulsive, c'était évidemment la force répulsive qui devait finir par être vaincue, il était probable que, au moment où le docteur ne trouverait plus de résistance, son corps suivrait sous la table la diagonale tracée par son nez.

Ce malheur eût été à déplorer avec une table ordinaire ; mais la table de la cabine était vissée au plancher du bâtiment, de sorte que le docteur, sentant l'équilibre qui lui manquait, saisit la table entre ses mains avec la même énergie qu'un homme qui se noie, dans une inondation, saisit une planche, qu'il regarde, selon l'expression française, comme sa planche de salut.

En ce moment, entra dans le salon commun le lieutenant de quart. Son camarade, restant sur le pont à sa place, lui avait donné congé pour souper.

En enlevant son manteau, tout trempé par la pluie, il aperçut Stettinsky cramponné à la table, et se mit à rire.

– Eh ! eh ! Flogiston-Khininovitch[1] ! il me semble que tu n'es pas dans ton assiette ordinaire. Prends garde, cher ami ! à force de verser du vin dans ton estomac, tu vas mouiller jusqu'à ta trousse !

– N'ayez pas de crainte, répondit le médecin en lâchant la table et en se servant de ses bras comme un danseur de corde fait d'un balancier, je conserve mes instruments dans l'esprit-de-vin.

– Bon moyen, dit le lieutenant en avalant un verre de vodka, – excellent moyen ! et je vous demande encore, cher docteur, de l'employer maintenant sans votre ordonnance.

– Cent fois heureux ceux qui se traitent et meurent selon les ordonnances médicales ! répliqua le docteur d'une langue avinée. Compter