: Santiago Galera
: Les Tribulations affectives
: Books on Demand
: 9782322499441
: 1
: CHF 6.20
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: Hauptwerk vor 1945
: French
: 232
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Qu'e est-il des femmes émancipées? Dans notre société où certaines ont décidé de prendre leur destin en main, Anna et Béatrice Monceau se sont affranchies de l'autorité masculine. En dépit de leur père qui s'inquiète du célibat de ses filles, il s'interroge sur la destinée des femmes modernes. Pourtant, la dernière de ses filles bouscule les conventions du féminisme. Contre vents et marées, Cécile Monceau - cette insoumise secoue les paradigmes de la génération féministe. Parfois, elle fait preuve d'ironie, car cette hussarde méprise les idoles du progressisme. Au programme : l'affaire Weinstein, Jacqueline Sauvage, la publicité des rasoirs Gillette, bref, une histoire dans une histoire. Dans ce livre où Maxence devient, sous la plume du narrateur, un écrivain qui s'accomplit dans le cadre des lettres françaises, il se félicite de sa résistance à l'échec.

Santiago Galera, né à Nantes, questionne la solitude des femmes, et en dépit des crises qui affectent nos sociétés et les femmes en général, bien au-delà du procès d'intention, il ouvre l'intimité de ses personnages.

II
La sologamie


Les personnalités ne sont pas unes et indéfinies ! Dans cette famille, les filles Monceau sont comme l’eau et le feu, car question caractère, elles sont à l’image du monde moderne, en perpétuel mouvement. Qu’en est-il de Cécile ? Au départ, elle se cherchait et, à proprement dit, ne trouvait pas sa voie. Le jour où elle annonça à ses parents qu’elle voulait faire une formation dans les métiers de la communication, son père ne put s’empêcher de rire. Durant sa formation, elle fit plusieurs stages dans des agences-conseil en communication. À partir du moment où elle fut diplômée, l’agence qui l’avait remarquée lors de son stage en entreprise n’hésita pas un instant à l’embaucher en qualité de conceptrice-rédactrice. À chaque client, elle cherchait un angle et en parlait fréquemment à son directeur de création. Généralement, Monsieur Urban faisait le lien entre le directeur de clientèle et les graphistes. Bref, Cécile aime écrire et trouver des idées qui sortent des sentiers battus. Qualités : rigueur, écoute, ouverture d’esprit et une forte capacité à se renouveler. Deux années plus tard, elle décida de changer d’entreprise et, sans plus attendre, se fit embaucher dans une agence située dans le XVIIe arrondissement parisien. Spécialisée dans la publicité, le marketing direct, l’édition d’entreprise, l’événementiel et les relations de presse, elle commença au fil des mois à travailler sur des dossiers de première importance. Lors de son vingt-neuvième anniversaire, elle décida de donner une nouvelle orientation à sa carrière, car elle voulait devenir maître de sa vie. Depuis ses premières missions, elle travaille en portage salarial. Ce statut lui permet de bénéficier d’une protection sociale complète et de ne pas avoir à supporter les frais d’un cabinet d’expertise comptable qui lui facturerait des honoraires.

Aujourd’hui, vêtue d’une mini-jupe blanche et d’un blouson en jean, elle ne se soucie guère de la saison. Au fur et à mesure que son client parle de sa société, elle prend des notes. Il s’appelle Monsieur Foch et, depuis plusieurs mois, il s’interroge concernant l’avenir de sa société. Le visage rectangulaire et les joues saillantes, il veut optimiser l’image de marque de celle-ci. Son chiffre d’affaires à sept chiffres ne lui fait pas tourner la tête. Cette société française existe depuis une soixantaine d’années. Il veut renouveler son positionnement sur le marché et avant de réaliser les travaux graphiques et web, il attend d’une consultante des idées qui bousculent le statu quo de sa société. Ses enfants ne cessent de lui répéter que l’image de marque de sa société est vieillissante, et ses fils lui présentent des publicités et des sites internet de sociétés concurrentes. Les bras croisés, il finit par dire le fond de sa pensée.

— Je suis dubitatif en matière de publicité, dit-il franchement.

— Pourquoi ? demande Cécile en l’interrogeant du regard.

— Je suis d’une autre époque, répond-il calmement.

— Justement, vous êtes réactif ! rétorque la jeune femme.

Devant son client, elle contrôle son émotivité et parvient à prendre des notes malgré l’objection. Elle le regarde, lui pose encore des questions d’usage, tandis qu’il répond évasivement. Visiblement, elle prend son courage à deux mains et transforme la réunion de travail en une réunion constructive. Au fil des minutes, Monsieur Foch parvient à se détendre et trouve le moyen de rire. Au moment où Monsieur Buffet entre dans la salle de réunion, il se lève et lui présente son responsable marketing. Il travaille dans la société depuis trois décennies et a de nombreuses responsabilités. Il s’exprime posément et parle des produits. À certains moments, elle pose des questions et, au fil des minutes, découvre les attentes de la société, puisqu’à plusieurs reprises, l’un et l’autre parlent d’un concurrent qui règne sans partage. Parfois, elle reformule les propos de son client et comprend les enjeux stratégiques de Monsieur Foch. En sortant de la société, elle donne une poignée de main chaleureuse à son client. Au volant de sa voiture, elle rejoint Paris et ne pense plus à Monsieur Foch.

Question personnalité, elle n’est pas une féministe et à la différence de ses soeurs, elle prétend que les féministes sont en train de tuer les mâles au sens propre du terme. Elle a aimé le livre d’Eugénie Bastié,Adieu mademoiselle, et a compris que la jeune journaliste duFigaro secoue les paradigmes de sa génération. Contrairement à ses soeurs, elle pense que la famille est porteuse de valeurs et rejette la vision du couple des temps modernes qui finit, un jour ou l’autre par divorcer. À ses yeux, la famille représente un partenariat dans lequel un homme et une femme vont dans la même direction, se soutiennent les jours où les difficultés menacent l’un ou l’autre, dialoguent au quotidien, s’aiment et transmettent la vie. En fin de matinée, elle entre dans son studio, retire son blouson, boit une gorgée d’eau, consulte sa messagerie et, au fil des courriers électroniques, souffle de lassitude. Depuis trois semaines environ, l’un de ses clients lui demande pour la énième fois de modifier chacun des paragraphes qu’elle a écrits. Elle se lève de la chaise, proteste en elle-même, ne parvient pas à se calmer. Ce consultant spécialisé en recrutement, en formation commerciale, en management et en efficacité professionnelle ne se rend pas compte, à l’évidence, qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Il souhaite que sa future plaquette lui permette, lors de ses rendez-vous professionnels, d’optimiser ses compétences. Dans son éditorial, elle a écrit : « Dans une époque de challenges, rester performant, motiver sa force de vente nous oblige à cultiver notre différence. Leader en notre domaine, chacune de nos formations répond à notre devise : agir ensemble pour contribuer aux ambitions de demain. Nous sommes des consultants chevronnés et, depuis une décennie, nous accompagnons les PMI qui souhaitent développer leur chiffre d’affaires. » Elle referme sa messagerie électronique, pense à son client, Monsieur Gauvain. Cet homme originaire de Pau a de grandes exigences, et lui-même ne ménage pas ses efforts. Ainsi, il travaille les dimanches et, lors de leur entretien téléphonique, il a exigé un style qui s’apparente au marketing direct. Lasse de sa matinée, elle oublie son client, se prépare à déjeuner et évite de penser à cet après-midi. Son espace de vie est à l’image de sa vie amoureuse. Ses vingt-huit mètres carrés lui font ressentir les limites de sa propre vie. Depuis qu’elle ne partage plus sa vie avec un certain Jérôme, la solitude l’effraie, mais elle se refuse à changer sporadiquement d’homme. Elle n’a pas dressé un cahier des charges et, à la différence de ses soeurs, ne cherche pas un homme d’exception. Objectivement, la femme des temps modernes n’a plus besoin de la gent masculine, car elle s’assume professionnellement. Elle refuse de porter des pantalons qui sont à ses yeux synonymes de pouvoir. Contrairement à ses soeurs, elle pense que les hommes et les femmes qui s’inscrivent sur les sites de rencontres cherchent à oublier leur amour précédent. Un jour, elle a lancé à ses soeurs une formule qui lui a glacé le coeur : la fameuse théorie de l’homme interchangeable. Qu’est-ce qu’un homme interchangeable ? À une époque où internet a bousculé les notions traditionnelles des rapports homme et femme, sur les sites de rencontres, les femmes font leurs emplettes. Chaque homme devient un produit et selon Cécile, le marketing amoureux sur internet a dénaturé les relations humaines. Parfois, elle dit en riant : « Je doute, donc je suis. » Bref, elle ne se prend pas au sérieux et pense que la publicité n’est qu’une tromperie universelle.

En milieu d’après-midi, elle s’entretient au téléphone avec un prospect qui lui demande un rendez-vous professionnel. Spécialisé dans la sécurité routière, il désire un éditorial qui présenterait sa société et souhaite aussi des fiches...