: George Sand
: Lucrezia Floriani
: Books on Demand
: 9782322455102
: 1
: CHF 3,50
:
: Erzählende Literatur
: French
: 332
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Lucrezia Floriani, une mondaine de 30 ans l'actrice et mère de 4 enfants avec 3 pères différents, rencontre et tombe amoureuse du prince Karol, un déprimé, aristocrate introspective."Dans la jeunesse, on cherche à s'aimer, dans l'âge fait, on s'aime en se torturant, dans l'âge mûr, on s'aime, mais l'amour est parti !"

George Sand, nom de plume d'Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, par mariage baronne Dudevant, est une romancière, dramaturge, épistolière, critique littéraire et journaliste française, née à Paris le 1er juillet 1804 et morte au château de Nohant-Vic le 8 juin 1876.

II


Mais qu’est-ce donc que la Floriani, deux fois nommée au chapitre précédent, sans que nous ayons fait un pas vers elle ?

Patience, ami lecteur. Je m’aperçois, au moment de frapper à la porte de mon héroïne, que je ne vous ai pas assez fait connaître mon héros, et qu’il me reste encore certaines longueurs à vous faire agréer.

Il n’y a rien de plus impérieux et de plus pressé qu’un lecteur de romans ; mais je ne m’en soucie guère. J’ai à vous révéler un homme tout entier, c’est-à-dire un monde, un océan sans bornes de contradictions, de diversités, de misères et de grandeurs, de logique et d’inconséquences, et vous voulez qu’un petit chapitre me suffise ! Oh ! non pas, je ne saurais m’en tirer sans entrer dans quelques détails, et je prendrai mon temps. Si cela vous fatigue, passez, et si, plus tard, vous ne comprenez rien à sa conduite, ce sera votre faute et non la mienne.

L’homme que je vous présente est lui et non un autre. Je ne puis vous le faire comprendre en vous disant qu’il était jeune, beau, bien fait et de belles manières. Tous les jeunes premiers de romans sont ainsi, et le mien est un être que je connais dans ma pensée, puisque, réel ou fictif, j’essaie de le peindre. Il a un caractère très déterminé, et l’on ne peut pas appliquer aux instincts d’un homme les mots sacramentels qu’emploient les naturalistes pour désigner le parfum d’une plante ou d’un minéral, en disant que ce corps exhale une odeur sui generis.

Ce sui generis n’explique rien, et je prétends que le prince Karol de Roswald avait un caractère sui generis qu’il est possible d’expliquer.

Il était extérieurement si affectueux, par suite de sa bonne éducation et de sa grâce naturelle, qu’il avait le don de plaire, même à ceux qui ne le connaissaient pas.

Sa ravissante figure prévenait en sa faveur ; la faiblesse de sa constitution le rendait intéressant aux yeux des femmes ; la culture abondante et facile de son esprit, l’originalité douce et flatteuse de sa conversation lui gagnaient l’attention des hommes éclairés. Quant à ceux d’une trempe moins fine, ils aimaient son exquise politesse, et ils y étaient d’autant plus sensibles, qu’ils ne concevaient pas, dans leur franche bonhomie, que ce fût l’exercice d’un devoir, et que la sympathie y entrât pour rien.

Ceux-là, s’ils eussent pu le pénétrer, auraient dit qu’il était plus aimable qu’aimant ; et, en ce qui les concernait, c’eût été vrai. Mais comment eussent-ils deviné cela, lorsque ses rares attachements étaient si vifs, si profonds et si peu récusables ?

Ainsi donc, on l’aimait toujours, sinon avec la certitude, du moins avec l’espoir d’être payé de quelque retour. Ses jeunes compagnons, le voyant faible et paresseux dans les exercices du corps ne songeaient pas à dédaigner cette nature un peu infirme, parce que Karol ne s’en faisait point accroire