: Théophile Gautier
: Le Roman de la Momie
: Books on Demand
: 9782322450251
: 1
: CHF 3.50
:
: Erzählende Literatur
: French
: 239
: Wasserzeichen
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: ePUB
Un égyptologue découvre, dans une tombe inviolée de pharaon, la momie d'une femme superbe, et le récit, en hiéroglyphes, de son histoire : elle s'appelle Tahoser ; avant d'être reine d'Egypte elle a aimé d'un amour passionné un jeune juif nommé Poëri.

Jules Pierre Théophile Gautier, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872 , est un poète, romancier et critique d'art français. Il rencontre Gérard de Nerval au collège Charlemagne, puis Victor Hugo, en 1829, qu'il reconnaît pour son maître.

I


Oph (c’est le nom égyptien de la ville que l’antiquité appelait Thèbes aux cent portes ou Diospolis Magna) semblait endormie sous l’action dévorante d’un soleil de plomb.

Il était midi ; une lumière blanche tombait du ciel pâle sur la terre pâmée de chaleur ; le sol brillanté de réverbérations luisait comme du métal fourbi, et l’ombre ne traçait plus au pied des édifices qu’un mince filet bleuâtre, pareil à la ligne d’encre dont un architecte dessine son plan sur le papyrus ; les maisons, aux murs légèrement inclinés en talus, flamboyaient comme des briques au four ; les portes étaient closes, et aux fenêtres, fermées de stores en roseaux clissés, nulle tête n’apparaissait.

Au bout des rues désertes, et au-dessus des terrasses, se découpaient, dans l’air d’une incandescente pureté, la pointe des obélisques, le sommet des pylônes, l’entablement des palais et des temples, dont les chapiteaux, à face humaine ou à fleurs de lotus, émergeaient à demi, rompant les lignes horizontales des toits, et s’élevant comme des écueils parmi l’amas des édifices privés.

De loin en loin, par-dessus le mur d’un jardin, quelque palmier dardait son fût écaillé, terminé par un éventail de feuilles dont pas une ne bougeait, car nul souffle n’agitait l’atmosphère ; des acacias, des mimosas et des figuiers de Pharaon déversaient une cascade de feuillage, tachant d’une étroite ombre bleue la lumière étincelante du terrain ; ces touches vertes animaient et rafraîchissaient l’aridité solennelle du tableau, qui, sans elles, eût présenté l’aspect d’une ville morte.

Quelques rares esclaves de la race Nahasi, au teint noir, au masque simiesque, à l’allure bestiale, bravant seuls l’ardeur du jour, portaient chez leurs maîtres l’eau puisée au Nil dans des jarres suspendues à un bâton posé sur l’épaule ; quoiqu’ils n’eussent pour vêtement qu’un caleçon rayé bridant sur les hanches, leurs torses brillants et polis comme du basalte ruisselaient de sueur, et ils hâtaient le pas pour ne pas brûler la plante épaisse de leurs pieds aux dalles chaudes comme le pavé d’une étuve. Les matelots dormaient dans le naos de leurs canges amarrées au quai de briques du fleuve, sûrs que personne ne les éveillerait pour passer sur l’autre rive, au quartier des Memnonia. Au plus haut du ciel tournoyaient des gypaètes dont le silence général permettait d’entendre le piaulement aigu, qui, à un autre moment du jour, se fût perdu dans la rumeur de la cité. Sur les corniches des monuments, deux ou trois ibis, une patte repliée sous le ventre, le bec enfoui dans le jabot, semblaient méditer profondément, et dessinaient leur silhouette grêle sur le bleu calciné et blanchissant qui leu