: Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann
: Princesse Brambilla
: Books on Demand
: 9782322391448
: 1
: CHF 3.50
:
: Erzählende Literatur
: French
: 211
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Un caprice dans la manière de Jacques Callot» - 1820 - Préface de Stefan Zweig Le caprice (capriccio en italien) désigne à l'origine une forme picturale créée en 1617 par Jacques Callot pour Cosme II de Médicis, qu'il intitule Capriccii di varie figure: elle représente des éléments architecturaux disposés de manière très libre et fantaisiste. Le terme est également courant en musique pour évoquer une série d'improvisations et dans la critique littéraire pour exprimer la liberté prise par l'écrivain humoristique. Le roman se déroule à Rome au XVIIIe siècle pendant le carnaval, moment où l'ordre est temporairement suspendu et où les identités se confondent sous les masques. Dans le premier chapitre, Giglio Fava, un médiocre comédien, joue le rôle du prince Taer dans la pièce de Gozzi, Le Monstre turquin, et raconte un rêve dans lequel une princesse lui déclarait sa flamme. Sa fiancée, cependant, Giacinta Soarti, une jolie couturière, se lamente sur sa pauvreté, alors qu'elle est en train de mettre la main à une robe magnifique destinée à un client inconnu. Obsédés l'un et l'autre par des rêves romantiques, leur vive imagination les amène à confondre leurs fantaisies avec la réalité. Ils en viennent ainsi à assumer une seconde vie, sous la forme de la princesse Brambilla et de son amant le prince assyrien Cornelio Chiapperi, aidés en cela par la magie du charlatan Celionati, qui donne en outre à Giglio une leçon de comédie, corrigeant son jeu pompeux et déclamatoire, que sa vanité l'empêchait de voir. Sous son influence, de même, Giglio et Giacinta s'éprennent respectivement de la princesse Brambilla et du prince assyrien Cornelio..

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann est un écrivain romantique et un compositeur allemand. Son père est avocat mais préfère la musique et la poésie. Il se sépare très tôt de sa femme, et Ernst est élevé par ses grands-parents maternels. Juriste, il sert dans l'administration prussienne de 1796 à 1806 puis de 1814 à sa mort.

CHAPITRE II


De l’état singulier dans lequel, quand on s’y trouve, on se blesse aux pierres aiguës du chemin, on omet de saluer des personnages considérables et on donne de la tête contre les portes fermées. – Influence d’un plat de macaroni sur l’amour et l’enthousiasme de la passion. – Horrible tourment de l’enfer des comédiens et arlequinade. – Comment Giglio ne trouva pas sa bien-aimée, mais fut empoigné par des ouvriers tailleurs et soumis à une saignée. – Le prince qui aurait tenu dans la boîte à bonbons et l’amante perdue. – Comment Giglio voulut être le chevalier de la princesse Brambilla, parce qu’un étendard lui avait poussé dans le dos.

 

Tu ne te fâcheras pas, mon cher lecteur, si celui qui a entrepris de te raconter l’aventureuse histoire de la princesse Brambilla, telle qu’il l’a trouvée esquissée dans les fringants dessins à la plume de maître Callot, suppose que tout au moins tu daigneras « accepter » jusqu’à la dernière ligne de ce livre le merveilleux qu’il contient et que même tu croiras à quelques-unes des choses qui y sont rapportées. Cependant, il peut se faire que depuis le moment où le cortège fabuleux s’est logé dans le palais Pistoia ou bien depuis le moment où la princesse est sortie de la vapeur bleuâtre de la bouteille de vin, tu te sois déjà écrié : « Sottises et folies que tout cela ! » Il se peut que tu aies rejeté avec mauvaise humeur le livre, sans égard pour les jolies images dont il contient la description.

Dans ce cas, tout ce que je suis sur le point de te dire pour t’intéresser aux étranges enchantements de ce « Caprice à la manière de Callot » arriverait trop tard et, vraiment, ce serait fâcheux pour moi et pour la princesse Brambilla. Cependant, peut-être espérais-tu que l’auteur, effarouché seulement par quelque folle vision qui s’était présentée soudain sur son chemin, avait fait simplement un écart dans un fourré sauvage et que, revenu à la raison, il reprendrait la route de la plaine ; et c’est cela qui va t’obliger à continuer la lecture, ce dont je te félicite.

Eh bien ! il m’est permis de te dire, aimable lecteur (et peut-être le sais-tu aussi par ta propre expérience), que plusieurs fois déjà j’ai réussi au moment où, précisément, des aventures fabuleuses menaçaient de s’évanouir dans le néant, – comme la vision d’un esprit agité, – à les étreindre et à les façonner de telle sorte que toute personne ayant la force visuelle voulue pour cela trouvait que réellement c’étaient des choses vivantes et par là même y croyait. C’est pourquoi je suis en droit de pouvoir continuer publiquement d’entretenir des rapports amicaux avec toutes sortes de figures imaginaires et avec un bon nombre de visions qu’on pourrait assez qualifier de folles, et d’inviter même les personnes les plus sérieuses à contempler cette étrange et pittoresque société ; et, très cher lecteur, je te prie de ne point voir là de l’outrecuidance, mais simplement le désir très excusable de te faire sortir du cercle étroit de la plate vie quotidienne et de te divertir d’une manière tout à fait spéciale, en te faisant connaître un domaine nouveau, qui, malgré tout, est compris dans le royaume des choses que l’esprit humain régit à son gré, dans la vie et la réalité véritable.

Mais, en admettant même que tout cela ne soit pas exact, je puis, pour chasser tous scrupules, me prévaloir de livres très sérieux, dans lesquels se passent des événements semblables et sur la parfaite crédibilité desquels on ne saurait élever le moindre doute. En ce qui concerne, en effet, le cortège de la princesse Brambilla, qui, avec toutes ses licornes, ses chevaux et autre équipage, passe sans difficulté par l’étroite porte du palais Pistoia, il a été déjà question dans l’histoire merveilleuse de Pierre Schlemihl, dont nous devons la relation à l’intrépide navigateur Adalbert de Chamisso, d’un certain brave homme gris qui faisait un tour de magie en comparaison duquel l’autre n’était rien. En effet, comme l’on sait, il tirait de la même poche de son costume, très commodément et sans aucune difficulté, à volonté, taffetas d’Angleterre, longue-vue, tapis, tente et finalement voitures et chevaux. Mais en ce qui concerne la princesse… Cependant, assez sur ce sujet.

Il est vrai qu’il faudrait ajouter encore que souvent dans la vie nous nous trouvons soudain devant la porte ouverte d’un merveilleux royaume magique et qu’il nous est permis de jeter un regard à l’intérieur