: Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann
: Les Élixirs du Diable Histoire du capucin Médard
: Books on Demand
: 9782322391394
: 1
: CHF 3.50
:
: Fantastische Literatur
: French
: 488
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Retiré depuis quelques années dans un couvent, le frère Médard devient responsable des reliques du couvent. Parmi ces reliques, figure une particulière que Cyrille, prédécesseur de Médard à ce poste, ne peut manipuler lui-même sans effroi. Selon la légende, il s'agit d'un des flacons abandonnés dans le désert par le démon et ramassés par Saint Antoine pour en protéger les humains. Médard cède à la tentation et boit le mystérieux élixir. Il devient incapable de résister à l'appel de ses sens, sa volonté est brisée. Aussi, le prieur du couvent décide de l'envoyer en ambassade à Rome. Médard s'engage alors dans des aventures mystérieuses, écartelé entre son aspiration au salut de son âme et sa recherche des plaisirs charnels. Moine vertueux ou homme lubrique, Médard ne sait plus quel personnage l'habite. Ce roman, qui fait bien entendu penser au «Moine» de Lewis, est un des plus aboutis d'E. T. A. Hoffmann.

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann est un écrivain romantique et un compositeur allemand. Son père est avocat mais préfère la musique et la poésie. Il se sépare très tôt de sa femme, et Ernst est élevé par ses grands-parents maternels. Juriste, il sert dans l'administration prussienne de 1796 à 1806 puis de 1814 à sa mort.

DEUXIÈME PARTIE


1

Coups de théâtre

Y a-t-il une existence où l’étrange mystère de l’amour caché au plus profond du cœur ne se soit pas révélé au moins une fois ? Qui que tu sois, toi qui plus tard liras ces feuillets, rappelle tes souvenirs de ce temps le plus lumineux de la vie ! Contemple à nouveau la gracieuse image féminine qui t’est autrefois apparue comme l’essence même de l’amour ! Alors tu ne voyais, certes, en elle, que ton reflet, le reflet de ton moi divin. Te souviens-tu encore avec quelle clarté les sources murmurantes, les buissons chuchotants, le vent caressant du soir te parlaient de ton amour ? Vois-tu encore comment les fleurs te regardaient de leurs yeux clairs et doux, t’apportant saluts et baisers de ta bien-aimée ? Et elle vint, elle voulut être toute à toi. Tu la pris dans tes bras, plein d’un brûlant désir, et tu voulus détacher de la terre ton être plongé dans les flammes d’une ardente passion. Mais le mystère resta inaccompli, un sombre pouvoir te fit retomber lourdement et violemment, lorsque tu t’apprêtais à prendre ton essor avec elle vers les lointains au-delà des paradis promis. Avant même d’avoir osé l’espérer, tu avais perdu déjà ta bien-aimée. Toute voix, tout son s’étaient évanouis et l’on n’entendait plus que la plainte désespérée de l’homme seul qui gémissait horriblement à travers la sombre solitude.

Toi, étranger inconnu, si jamais douleur pareillement indicible t’a broyé l’âme, joins tes plaintes au désespoir inconsolable du moine aux cheveux blancs qui, se souvenant, dans sa cellule obscure, des jours ensoleillés de son amour, baigne de larmes sanglantes sa dure couche, et dont les sanglots mortels retentissent dans le calme de la nuit à travers les sombres couloirs du cloître.

Mais toi, toi qui te rapproches alors intérieurement de moi, tu crois aussi comme moi, n’est-ce pas, que la félicité suprême de l’amour, que l’accomplissement du mystère se réalisent dans la mort.

C’est ce que nous annoncent les voix prophétiques qui nous parviennent confusément de ces temps primitifs dont aucune mesure humaine ne peut calculer la distance ; et, de même que dans les mystères célébrés par les premiers enfants de la nature, la mort est aussi pour nous la consécration de l’amour.

Un éclair sillonna mon âme ; ma respiration s’arrêta ; mon pouls battait avec violence, mon cœur se crispait, on eût dit que ma poitrine allait éclater. Ah ! aller à Elle, aller à Elle ! L’attirer à moi dans une rage délirante d’amour ! « Tu résistes, malheureuse, au pouvoir qui t’enchaîne indissolublement à moi ? N’es-tu pas mienne, mienne à jamais ? » Pourtant, je refrénai mieux l’explosion de ma passion insensée que lorsque je vis Aurélie pour la première fois au château de son père. De plus, les yeux de tous étaient dirigés sur elle et je pus faire tout ce qu’il me plut au milieu de ces gens indifférents, sans qu’on m’eût particulièrement remarqué ou même questionné, ce qui m’aurait été insupportable, car c’est elle seule que je voulais voir et entendre, elle seule à qui je voulais penser…

Qu’on ne me dise pas que le simple négligé soit ce qui pare le mieux une jeune fille vraiment jolie ! La toilette des femmes exerce un charme mystérieux, auquel nous pouvons difficilement résister. Il se peut que cela tienne au plus profond de leur nature, mais tout ce qui est en elles se développe, acquiert plus de charme et d’éclat grâce à la toilette, de même que la beauté des fleurs ne se montre parfaite que lorsqu’elles s’épanouissent complètement, en étalant leurs multiples et brillantes couleurs. La première fois que tu vis ta bien-aimée revêtue de ses parures, n’as-tu pas senti courir un frisson inexplicable à travers tes veines et tes nerfs ? Elle te sembla si changée, mais cela même lui donnait un attrait inexprimable. Quel désir ineffable, quel tre