I. – La Bretagne du Nord
1. Le pays de Rennes
1. --- Vitré. – Le château. – Le fouillis du musée. – Le faubourg du Rachapt. – Les tricoteuses. – Les vieilles maisons. – Notre-Dame. – Une femme de Barbe-Bleue. – Le château des Rochers. – Madame de Sévigné est toujours là. – La chambre de la marquise. – Le jardin de la marquise. – Soucis d’argent. – Économie et faste. – La société des Rochers. – Le Bien-Bon. – Mademoiselle de Kerlouche. – Les lectures. – Fougères. – Les remparts et les vieilles maisons. – Les ruelles. – Le rôti du dimanche. – Saint-Sulpice. – Le château. – Le verger dans la ruine. – La vue sur la forêt. – La forêt de Fougères.
La première ville bretonne où je pénètre par l’Est est bâtie sur une ondulation de terrain de 110 mètres d’altitude qui domine la rive gauche de la Vilaine. C’est Vitré. Autour de la gare s’organise le monde moderne de la province : une place encadrée de grands arbres, ornée de boulingrins et de parterres de fleurs, une promenade de petite ville, une profusion d’enseignes aux maisons, l’hôtel tout enguirlandé de plantes grimpantes, la grande table recouverte d’une nappe blanche qui attend le voyageur. Mais que l’on quitte la place, que l’on s’engage sur les pavés de la rue Baudrairie ou de la rue Garengeot, on a presque immédiatement la vision du passé. On commence à remonter les siècles, à trouver l’histoire. Tout de suite, c’est le château, l’ancien château-fort de la Trémoille, aux vieux remparts crénelés, aux tours massives, formidable bastille achevée vers la fin duXIVe siècle, legs de l’architecture militaire du Moyen-âge, avec son châtelet à l’entrée, flanqué de deux tours à mâchicoulis, précédé d’un pont-levis et d’une poterne. On entre dans la cour : au milieu, un vieux puits entouré d’un mur surmonté d’un toit ; en face, accrochée au pignon d’une tour, la tribune en pierre sculptée d’où la princesse de la Trémoille suivait les offices de l’Église réformée, absidiole gracieusement fleurie, avec cette inscription :Post tenebras spero lucem.
L’antique forteresse sert en partie de prison, mais elle est devenue aussi le pacifique asile du musée, de la bibliothèque, de tout ce cocasse et agréable fouillis qui fait songer à une cellule de sorcier, à un laboratoire d’alchimiste, à un cabinet de cousin Pons : cailloux, animaux empaillés, vieilles faïences, vieux bouquins, vieux parchemins, vieilles gravures, outils de silex, instruments de torture, tromblons, rapières, cela dans un décor de murailles épaisses, de poutres apparentes, de cheminées à vastes auvents. Tout semble groupé au hasard, les objets subissent l’éclairage de clair-obscur des étroites fenêtres profondément encaissées. Çà et là, un portrait de Madame de Sévigné. Une belle cheminée provient d’une maison de la rue de la Poterie ayant appartenu à Lucas Royer et à Françoise Gouverneur, son épouse.
Je sors de cet encombrement d’objets où l’on pourrait passer son existence si l’on voulait tout voir, tout déchiffrer, tout lire. Je débouche, par un étroit escalier et une petite porte, sur le chemin de ronde. La ville et ses environs se déploient. La Vilaine se déroule à travers une campagne remplie de soleil doré et d’ombre bleue, de verdures et de fleurs. Dans les champs, les alignements des gerbes empourprées du sarrasin, les sacs de pommes de terre sur le champ remué, les betteraves aux feuilles grasses, le paysage ombragé de sombres châtaigniers et de pommiers aux fruits rouges. De l’autre côté se ramassent les quartiers de la ville dominés par les flèches de Notre-Dame et de Saint-Ma