BEL-AMI
Note
Le manuscrit deBel-Ami se compose de 436 feuillets de papier dit écolier, paginés 1 à 436. Il ne présente aucun caractère particulier sous le rapport des corrections qui, en raison de l’importance de l’œuvre, sont peu nombreuses. Au début Duroy s’y appelle Leroy et Boisrenard, Plumelard. Le rendez-vous entre Bel-Ami et Mme Walter y est placé à Saint-Augustin et non à la Trinité, d’où quelques modifications de détails. Le constat d’adultère a donné lieu à quelques reprises en marge du manuscrit : l’ouverture de la porte, la description de la chambre meublée, l’identité de Laroche-Mathieu.
Bel-Ami fut terminé en février 1885, il parut en feuilleton dans le Gil-Blas, du mercredi 8 avril au samedi 30 mai de la même année.
Maupassant écrivait en effet à l’éditeur Havard (21 février 1885) :
Vous me demandez de mes nouvelles. Elles ne sont pas fameuses. J’ai les yeux deplus en plus malades. Cela tient, je crois, à ce qu’ils sont extrêmement fatigués par le travail... J’ai fini Bel-Ami. Je n’ai plus qu’à relire et retoucher les deux derniers chapitres. Avec six jours de travail, ce sera complètement terminé.
Dans une lettre à sa mère, datée de juillet 1885, il ajoutait :
Rien de nouveau pourBel-Ami. C’est ce livre qui m’a empêché d’aller à Étretat, car je me remue beaucoup pour en activer la vente, mais sans grand succès. La mort de Victor Hugo lui a porté un coup terrible. Nous sommes à la vingt-septième édition, soit 13,000 vendus. Comme je te le disais, nous irons à vingt mille ou vingt-deux mille. C’est fort honorable et voilà tout.
Première partie
I
Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.
Comme il portait beau, par nature et par pose d’ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d’un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s’étendent comme des coups d’épervier.
Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d’un chapeau toujours poussiéreux et vêtue d’une robe toujours de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe.
Lorsqu’il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu’il allait faire. On était au 28 juin, il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C’était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.
Il marchait ainsi qu’au temps où il portait l’uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un