: Robert Louis Stevenson
: Le Mort Vivant
: Books on Demand
: 9782322206919
: 1
: CHF 3.50
:
: Hauptwerk vor 1945
: French
: 260
: DRM
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Connaissez-vous le système de la tontine? Un groupe de personnes cotise à part égale, et le dernier survivant rafle la mise totale. Le Mort vivant est l'histoire de deux frères, derniers prétendants d'une tontine, Joseph et Masterman Finsbury. Quand Jacques Finsbury, leur frère cadet décède, Joseph se retrouve tuteur des deux enfants de Jacques. Mais il gère bien mal les biens de ses neveux, et une fois à l'âge adulte, l'un d'eux, Maurice, va contraindre son oncle à le désigner bénéficiaire de la tontine. Maurice devient très intéressé à la bonne santé de son oncle. Un accident de train va bouleverser tous ses plans... Ce roman d'humour noir est la première de trois oeuvres coécrites par R.-L. Stevenson et son beau-fils, Lloyd Osbourne.

Robert Louis Stevenson en 1886. Robert Louis Stevenson, né le 13 novembre 1850 à Édimbourg et mort le 3 décembre 1894 à Vailima (Samoa), est un écrivain écossais et un grand voyageur, célèbre pour ses romans L'Île au trésor (1883), L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M.

Chapitre 2 - OÙ MAURICE S’APPRÊTE À AGIR


En conséquence, quelques jours après, les trois membres mâles de cette triste famille auraient pu être observés (par un lecteur de F. du Boisgobey) prenant le train de Londres, à la gare de Bournemouth. Le temps, suivant l’affirmation du baromètre, était « variable », et Joseph portait le costume adapté à cette température dans l’ordonnance de sir Faraday Bond ; car cet éminent praticien, comme l’on sait, n’est pas moins strict en matière de vêtement que de régime.

J’ose dire qu’il y a peu de personnes d’une santé délicate qui n’aient au moins essayé de vivre conformément aux prescriptions de sir Faraday Bond. « Évitez les vins rouges, madame, – toutes mes lectrices se sont certainement entendu dire cela, – évitez les vins rouges, le gigot d’agneau, les marmelades d’oranges et le pain non grillé ! Mettez-vous au lit tous les soirs, à dix heures trois quarts, et (s’il vous plaît) habillez-vous de flanelle hygiénique du haut en bas ! À l’extérieur, la fourrure de martre me paraît indiquée ! N’oubliez pas non plus de vous procurer une paire de bottines de la maison Dall et Crumbie ! » Et puis, très probablement, après que vous aviez déjà payé votre visite, sir Faraday vous aura rappelée, sur le seuil de son cabinet, pour ajouter, d’un ton particulièrement catégorique : « Encore une précaution indispensable : si vous voulez rester en vie, évitez l’esturgeon bouilli ! »

L’infortuné Joseph était soumis avec une rigueur effroyable au régime de sir Faraday Bond. Il avait à ses pieds les bottines de santé ; son pantalon et son veston étaient de véritable drap à ventilation ; sa chemise était de flanelle hygiénique (d’une qualité quelque peu au rabais, pour dire vrai), et il se trouvait drapé jusqu’aux genoux dans l’inévitable pelisse en fourrure de martre. Les employés même de la gare de Bournemouth pouvaient reconnaître, dans ce vieux monsieur, une créature de sir Faraday, qui, du reste, envoyait tous ses patients vers cette villégiature. Il n’y avait, dans la personne de l’oncle Joseph, qu’un seul indice d’un goût individuel : à savoir, une casquette de touriste, avec une visière pointue. Toutes les instances de Maurice avaient échoué devant l’obstination du vieillard à porter ce couvre-chef, qui lui rappelait l’émotion éprouvée par lui, naguère, lorsqu’il avait fui devant un chacal à moitié mort, dans les plaines d’Éphèse.

Les trois Finsbury montèrent dans leur compartiment, où ils se mirent aussitôt à se quereller : circonstance insignifiante en soi, mais qui se trouva être, tout ensemble, extrêmement malheureuse pour Maurice et – j’ose le croire – heureuse pour mon lecteur. Car si Maurice, au lieu de s’absorber dans sa querelle, s’était penché un moment à la portière de son wagon, l’histoire qu’on va lire n’aurait pas pu être écrite. Maurice, en effet, n’aurait pas manqué d’observer l’arrivée sur le quai et l’entrée dans un compartiment voisin d’un second voyageur vêtu de l’uniforme de sir Faraday Bond. Mais le pauvre garçon avait autre chose en tête, une chose qu’il considérait (et Dieu sait combien il se trompait !) comme bien plus importante que de baguenauder sur le quai avant le départ du train.

– Jamais on n’a vu rien de pareil ! – s’écria-t-il, sitôt assis, reprenant une discussion qui n’avait pour ainsi dire pas cessé depuis le matin. – Ce billet n’est pas à vous ! Il est à moi !

– Il est à mon nom ! répliqua le vieillard avec une obstination mêlée d’amertume. J’ai le droit de faire ce qui me plaît avec mon argent&nbs