CHAPITRE PREMIER
OÙ IL EST QUESTION D’UNE PETITE PERTURBATION ATMOSPHÉRIQUE
Jacquot veut déjeuner !… Jacquot veut déjeuner !
Les cris du perroquet éveillèrent tout à fait Mme Gorgette, retombée dans la torpeur du demi-sommeil après avoir constaté qu’il faisait encore nuit. Été comme hiver, la brave femme se levait un peu après le soleil, d’abord pour économiser la lumière, ensuite par hygiène. Et, de fait, elle avait encore, après la cinquantaine sonnée, la pétulance et la vigueur de ses vingt ans.
En se mettant sur son séant, Mme Gorgette fit rouler, d’un côté, son chat Kiki et de l’autre son chien Goliath, tous deux couchés sur son lit.
— Jacquot ! dit-elle, tu es fou de demander ton déjeuner si tôt !
Elle jeta un coup d’œil vers sa pendule, mais elle ne put en apercevoir le cadran, car nulle lueur ne filtrait à travers les rideaux. Elle alluma l’électricité et constata que, malgré les apparences, le volatile avait raison : il était sept heures et demie.
— Par exemple ! s’exclama Mme Gorgette. Comment ne fait-il pas encore jour ?
Et, passant en hâte un peignoir, elle courut ouvrir la fenêtre de sa chambre.
Mme Gorgette était à la fois la concierge et la propriétaire d’un immeuble de rapport, construit à mi-flanc du coteau de Meudon. Au delà d’un jardin où des radis roses voisinaient avec les pétunias et les salsifis avec les lis, la forêt enveloppait d’autres pavillons, dont les toits émergeaient à peine au-dessus des frondaisons.
La maison n’était pas grande, mais les locataires payaient bien, et le montant des loyers suffisait à faire vivre convenablement Mme Gorgette, son chien et son chat Kiki, un honnête matou de gouttière, et Goliath, un tout petit chien de race imprécise, hargneux à souhait, toujours p