: Robert Louis Stevenson
: La Flèche-Noire
: Books on Demand
: 9782322206353
: 1
: CHF 2.20
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: Krimis, Thriller, Spionage
: French
: 313
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Vers 1460, la guerre des Deux-Roses (Lancastre contre York) ravage l'Angleterre. Dans la forêt de Tunstall-que hantent un bossu énergétique, un faux lépreux masqué et un hors-la-loi surnommé" la flèche noire"- le jeune orphelin Dick Shelton cherhce la vérité et trouve l'amour. Dans un décor à la Robin des Bois, une histoire de cape et d'épée et de mystère contée sur un ton tragique et tendre de David Balfour.

Maître du roman d'aventure, Robert Louis Stevenson a initié le genre, l'a théorisé et n'a cessé de le redéfinir. Issu d'une famille d'ingénieurs, il est empreint à la fois d'une rationalité toute scientifique et de superstition, héritée d'une nourrice particulièrement bonne conteuse. Entré à l'université d'Edimbourg, Stevenson obtient son diplôme de droit mais n'exercera jamais au barreau. Contre l'avis de ses parents, il se tourne vers les lettres et se lance dans une vie de bohème. Tuberculeux, il commence à voyager très jeune, à la recherche de climats favorables. De ses voyages (Europe, Amérique, Polynésie.. .), il tire de nombreux récits, dont le'Voyage avec un âne dans les Cévennes'. Il se marie en 1880 et entreprend avec sa femme de nombreux séjours en Ecosse, Suisse, France, Etats-Unis... Son premier grand succès,'L' Ile au trésor', le place parmi les références du roman d'aventure : il touche un large public au delà du lectorat des enfants. Mais Stevenson écrit également des romans fantastiques, tels que'L' Etrange Cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde' (1886). Trois ans plus tard,'Le Maître de Ballantrae' marque une charnière entre l'aventure enchantée et l'aventure dramatique. De 1889 à sa mort, il ne quitte plus le Pacifique Sud qu'il évoque dans ses ultimes récits.

I


À l’enseigne du soleil, à Kettley


Sir Daniel et ses hommes passèrent cette nuit-là à Kettley, logés chaudement et bien gardés. Mais le chevalier de Tunstall était un homme en qui jamais ne se reposait le désir du gain ; et même à ce moment où il allait se lancer dans une aventure qui pouvait faire sa fortune ou la perdre, il était sur pieds une heure après minuitpour pressurer ses pauvres voisins. Il était de ceux qui trafiquent en grand dans les héritages contestés ; sa manière consistait à acheter les droits du prétendant le plus invraisemblable, puis, en captant la bienveillance des grands lords de l’entourage du roi, à obtenir d’injustes arrêts en sa faveur ; ou, si cela était trop compliqué, il s’emparait par la force des armes du manoir disputé, et se fiait à son influence et à l’habileté de Sir Olivier dans la chicane pour garder ce qu’il avait pris. Tel était le cas de Kettley, tombé tout récemment dans ses griffes ; il rencontrait encore de l’opposition de la part des tenanciers ; et c’était pour décourager le mécontentement qu’il avait conduit ses troupes par là.

Vers deux heures du matin, Sir Daniel était assis dans la salle d’auberge, tout près du feu, car il faisait froid, la nuit, dans ce pays de marais. À portée de sa main, un pot d’ale épicée. Il avait ôté son casque à visière, et était assis, sa tête chauve au long visage sombre, appuyée sur une main, chaudement enveloppé dans un manteau couleur de sang. À l’autre bout de la salle, une douzaine de ses hommes environ étaient en sentinelles près de la porte ou dormaient sur des bancs ; et, plus près de lui, un jeune garçon, paraissant âgé de douze ou treize ans, était étendu dans un manteau sur le plancher. L’hôtelier du Soleil était debout devant le grand personnage.

– Écoutez-moi bien, l’hôtelier, disait Sir Daniel, si vous suivez bien mes ordres, je serai toujours pour vous un bon maître. Il me faut de solides gaillards pour les principaux bourgs, et je veux Adam-a-More, comme connétable ; veillez-y. Si l’on en choisit d’autres, vous n’y gagnerez rien ; ou plutôt, il vous en cuira. Quant à ceux qui ont payé l’impôt à Walsingham, je saurai prendre des mesures... cela vous concerne aussi, l’hôtelier.

– Bon chevalier, dit l’hôtelier, je vous jure sur la croix de Holywood que je n’ai payé à Walsingham que par contrainte. Non, puissant chevalier, je n’aime pas les bandits Walsingham ; ils étaient pauvres, comme des voleurs, puissant chevalier. Donnez-moi un grand seigneur comme vous. Non, demandez-le aux voisins, je suis ferme pour Brackley.

– Possible, dit Sir Daniel sèchement. Alors vous paierez deux fois.

L’aubergiste fit une horrible grimace ; mais ceci était une malechance qui pouvait facilement tomber sur un tenancier en ces temps troublés, et il était peut-être content de faire sa paix si facilement.

– Amenez l’homme, Selden, cria le chevalier.

Et quelqu’un de sa suite amena un pauvre vieux affaissé, pâle comme une chandelle, tremblant de la fièvre des marais.

– Maraud, dit Sir Daniel, ton nom ?

– Plaise à Votre Seigneurie, répondit l’homme, je m’appelle Condall... Condall de Shoreby, au service de Votre Seigneurie.

– J’ai eu de mauvais renseignements sur vous, répliqua le chevalier. Vous trahissez, coquin ; vous chapardez dans tout le pays ; vous êtes fortement soupçonné de plusieurs meurtres. C’est de l’audace, mon gaillard ! mais je vais y mettre bon ordre.

– Mon très honorable et très révéré seigneur, s’écria l’homme, il y a là quelque méli-mélo, sauf votre respect. Je ne suis qu’un pauvre homme, et n’ai fait de mal à personne.

– Le sous-sheriff a donné sur vous les plus mauvais renseignements, dit le chevalier. Saisissez-moi, dit-il, ce Tyndal de Shoreby.

– Condall, mon bon seigneur ; Condall est mon pauvre nom, dit le malheureux.

– Condall ou Tyndal, c’est tout un, répliqua tranquillement Sir Daniel. Car, par ma foi, je vous tiens, et j’ai les plus grands doutes sur votre honnêteté. Si vous voulez sauver votre tête, écrivez-moi vite une reconnaissance de vingt livres.

– De vingt livres, mon bon seigneur ! s’écria Condall. C’est de la folie ! Tout mon avoir ne monte pas à soixante-dix shillings.

– Condall ou Tyndal, répliqua Sir Daniel en ricanant, je courrai le risque de cette perte. Écrivez-moi vingt, et, quand j’aurai recouvré tout ce que je pourrai, je serai un bon maître pour vous, et je vous ferai grâce du reste.

– Hélas ! mon