II – Morts qui sont revenus à la suite de serments réciproques, de promesses, d’engagements, de déclarationsantérieures
Je vois sans peur la tombe aux ombres éternelles ;
Car je sais que le corps y trouve une prison,
Mais que l’âme y trouve des ailes !
Victor Hugo.
Nous avons déjà remarqué des manifestations de cet ordre au tome II de cet ouvrage, notamment dans la relation si précise de Melles Ximénès de Bustamante [Autour ch. XII], et nous nous sommes demandé si la jeune fille venant si soudainement annoncer sa mort à son amie était déjà décédée, ou bien encore de ce côté-ci de la barrière. Nous avons vu également [Autour ch. IV] l’apparition faite à Saint-Pétersbourg, à la comtesse Kapnist, d’un ami qui avait fait ce serment et qui apparut avant même d’être mort. Nous consacrerons ici un chapitre spécial à ces manifestations après promesses, affirmant ainsi la survivance de l’âme et de la mémoire. Le chapitre que l’on vient de lire inaugure ces réalisations posthumes par l’exemple de l’ami du Dr Caltagirone, de Palerme, frappant, selon sa promesse, sur le lustre de la salle à manger. Ces témoignages sont nombreux, et nous n’avons que l’embarras du choix pour les examiner.
L’une des apparitions les plus remarquables de la collection que j’ai depuis longtemps coordonnée est celle de l’ami de Lord Brougham, rapportée par cet éminent personnage lui-même.
Les hommes de ma génération ont vu ce beau vieillard, soit à Paris, soit à Cannes, où il est mort en 1868 (il était né à Édimbourg en 1778). Lord Brougham a écrit son autobiographie et en a publié l’extrait que voici le 16 octobre 1862. On n’a jamais émis aucun doute sur l’exactitude de ce souvenir,10 qui remonte au mois de décembre 1799 : le futur politicien et célèbre historien anglais n’avait donc que vingt et un ans, et faisait alors un voyage en Suède.
« Le temps était froid, écrit-il. Arrivant à Göteborg, dans une auberge de bonne apparence, je demandai un bain d’eau chaude, et là je fus l’objet d’une aventure si curieuse que je veux la raconter en la prenant dès le début.
« J’avais eu comme ami de collège, à la High School, un nommé G., que j’aimais et estimais particulièrement. Nous causions parfois ensemble du grand sujet de l’immortalité de l’âme. Un jour, nous eûmes la folie de rédiger un contrat, écrit de notre sang, affirmant que, quel que fût celui d’entre nous deux qui mourrait le premier, il reviendrait se manifester à l’autre pour dissiper le doute que nous aurions pu garder sur la continuation de la vie après la mort. G. partit pour les Indes, et j’oubliai à peu près son existence.
« J’étais donc, ainsi que je viens de le dire, plongé dans mon bain, jouissant délicieusement de la bonne chaleur qui réchauffait mes membres engourdis, lorsque, me disposant à me lever, je jetai les yeux sur la chaise où j’avais déposé mes vêtements, et quelle ne fut pas ma stupeur en y voyant assis mon ami G., qui me regardait tranquillement ! Comment je sortis du bain, je ne puis le dire, car, en recouvrant mes sens, je me vis étendu sur le plancher. Cette apparition, ou quel que fût le phénomène qui représentait mon ami, n’était plus là. Je fus si fortement impressionné que je voulus