CHAPITRE II
L’APPEL AU SECOURS
C’est un lundi soir que M. Ricardo avait vu Wethermill en compagnie de Célie. Il le revit seul le mardi à la villa des Fleurs et put causer avec lui. Wethermill, ce soir-là, délaissait le baccara. Vers dix heures, les deux hommes sortirent ensemble.
— Je remonte au Majestic, dit M. Ricardo.
— Moi aussi, répliqua le jeune homme. C’est là que j’habite. Je vous accompagne.
Ils attaquèrent la pente abrupte des rues. M. Ricardo grillait d’interroger Wethermill sur sa compagne de la veille ; une discrétion à laquelle il cédait de mauvais gré lui défendit d’aborder ce chapitre. Arrivés à l’hôtel, les deux hommes bavardèrent un instant de choses et d’autres, puis ils se séparèrent.
Mais M. Ricardo allait, dès le lendemain matin, être tant soit peu renseigné sur Célie. En effet, comme il ajustait sa cravate devant le miroir, Wethermill fit irruption dans son cabinet de toilette. Il en ressentit une indignation si vive qu’il oublia du coup sa curiosité. Un tel procédé n’était rien moins qu’un attentat inouï contre la belle ordonnance de sa vie. L’affaire de sa toilette matinale était sacrée, l’interrompre témoignait d’un sans-façon anarchique. Où se trouvait donc son valet de chambre ? Où était passé Charles, qui aurait dû garder sa porte comme l’entrée d’un sanctuaire ?
— Je ne peux, dit-il sévèrement, vous recevoir avant une demi-heure.
Wethermill, cependant, respirait à peine ; une agitation fébrile le secouait.
— Mais moi, je ne peux pas attendre ! s’écria-t-il sur le ton d’une supplication passionnée. Il faut que je vous parle, il faut que vous m’aidiez, M. Ricardo, il le faut !
M. Ricardo pivota sur ses talons. Sa première pensée fut que l’aide qu’on lui demandait était de celles qui se demandent le plus souvent à Aix-les-Bains. Un regard donné au visage de Wethermill et l’angoisse dont vibrait la voix du jeune homme l’avertirent de son erreur, laissant là ses grandes manières, il demanda calmement :
— Qu’est-ce qui vous amène ?
— Une chose terrible.
Et Wethermill lui tendait un journal.
— Lisez ça.
« Ça » c’était l’édition spéciale duJournal de Savoie, portant la date du matin.
— Voilà ce que l’on crie dans les rues. Lisez.
Sur la première page éclataient, en caractères gris, les lignes suivantes :
Un crimeeffroyable a été commiscette nuit à la villa Rose, sur la route qui mène au lac du Bourget.Unedame d’un certainâge, riche, etqui, depuisplusieurs années,occupait chaque année la villa, Mme CamilleDauvray, a été trouvée morte,étranglée,entoilettedu soir, sur le parquet de son salon. À l’étagesupérieur gisait,surun lit,chloroforméeet lesmains liées derrièreledos, HélèneVauquier, safemme de chambre. Àl’heure où nous mettons sous presse, Mlle Vauquier n’a pas encore repris connaissance, mais le docteur Émile Peytin qui la