I. Ce que venait annoncer M. Le Comte de Monsoreau.
Monsoreau marchait de surprise en surprise : le mur de Méridor rencontré comme par enchantement, ce cheval caressant le cheval qui l’avait amené, comme s’il eût été de sa plus intime connaissance, il y avait certes là de quoi faire réfléchir les moins soupçonneux. En s’approchant, et l’on devine si M. de Monsoreau s’approcha vivement ; en s’approchant, il remarqua la dégradation du mur à cet endroit ; c’était une véritable échelle, qui menaçait de devenir une brèche ; les pieds semblaient s’être creusé des échelons dans la pierre, et les ronces, arrachées fraîchement, pendaient à leurs branches meurtries.
Le comte embrassa tout l’ensemble d’un coup d’œil, puis, de l’ensemble, il passa aux détails.
Le cheval méritait le premier rang, il l’obtint.
L’indiscret animal portait une selle garnie d’une housse brodée d’argent. Dans un des coins était un double F, entrelaçant un double A.
C’était, à n’en pas douter, un cheval des écuries du prince, puisque le chiffre faisait : François d’Anjou.
Les soupçons du comte, à cette vue, devinrent de véritables alarmes. Le duc était donc venu de ce côté ; il y venait donc souvent, puisque, outre le cheval attaché, il y en avait un second qui savait le chemin.
Monsoreau conclut, puisque le hasard l’avait mis sur cette piste, qu’il fallait suivre cette piste jusqu’au bout.
C’était d’abord dans ses habitudes de grand veneur et de mari jaloux.
Mais, tant qu’il resterait de ce côté du mur, il était évident qu’il ne verrait rien.
En conséquence, il attacha son cheval près du cheval voisin, et commença bravement l’escalade.
C’était chose facile : un pied appelait l’autre, la main avait ses places toutes faites pour se poser, la courbe du bras était dessinée sur les pierres à la surface de la crête du mur, et l’on avait soigneusement élagué, avec un couteau de chasse, un chêne, dont, à cet endroit, les rameaux embarrassaient la vue et empêchaient le geste.
Tant d’efforts furent couronnés d’un entier succès. M. de Monsoreau ne fut pas plutôt établi à son observatoire, qu’il aperçut, au pied d’un arbre, une mantille bleue et un manteau de velours noir. La mantille appartenait sans conteste à une femme, et le manteau noir à un homme ; d’ailleurs, il n’y avait point à chercher bien loin, l’homme et la femme se promenaient à cinquante pas de là, les bras enlacés, tournant le dos au mur, et cachés d’ailleurs par le feuillage du buisson.
Malheureusement pour M. de Monsoreau, qui n’avait pas habitué le mur à ses violences, un moellon se détacha du chaperon et tomba, brisant les branches, jusque sur l’herbe : là, il retentit avec un écho mugissant.
À ce bruit, il paraît que les personnages dont le buisson cachait les traits à M. de Monsoreau se retournèrent et l’aperçurent, car un cri de femme aigu et significatif se fit entendre, puis un frôlement dans le feuillage avertit le comte qu’ils se sauvaient comme deux chevreuils effrayés.
Au cri de la femme, Monsoreau avait senti la sueur de l’angoisse lui monter au front : il avait reconnu la voix de Diane.
Incapable dès lors de résister au mouvement de fureur qui l’emportait, il s’élança du haut du mur, et, son épée à la main, se mit à fendre buissons et rameaux pour suivre les fugitifs.
Mais tout avait disparu, rien ne tr