: Alexandre Dumas Père
: Le Chevalier de Maison-Rouge
: Books on Demand
: 9782322192038
: 1
: CHF 4.50
:
: Hauptwerk vor 1945
: French
: 585
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Un des livres consacrés par Dumas à la Révolution Française. L'action se passe en 1793. Le jacobin Maurice Lindey, officier dans la garde civique, sauve des investigations d'une patrouille une jeune et belle inconnue, qui garde l'anonymat. Prisonnière au Temple, où règne le cordonnier Simon, geôlier du dauphin, Marie-Antoinette reçoit un billet lui annonçant que le chevalier de Maison-Rouge prépare son enlèvement...

Alexandre Dumas est un écrivain français né le 24 juillet 1802 à Villers-Cotterêts et mort le 5 décembre 1870 au hameau de Puys, ancienne commune de Neuville-lès-Dieppe, aujourd'hui intégrée à Dieppe.

II. L’inconnue.


Il y avait dans cette voix un tel accent de crainte et de distinction mêlées ensemble, que Maurice tressaillit. Comme une commotion électrique, cette voix vibrante avait pénétré jusqu’à son cœur.

 

Il se retourna vers les enrôlés volontaires, qui se consultaient entre eux.

 

Humiliés d’avoir été tenus en échec par un seul homme, ils se consultaient entre eux avec l’intention bien visible de regagner le terrain perdu ; ils étaient huit contre un : trois avaient des fusils, les autres des pistolets et des piques, Maurice n’avait que son sabre : la lutte ne pouvait être égale.

 

La femme elle-même comprit cela, car elle laissa retomber sa tête sur sa poitrine en poussant un soupir.

 

Quant à Maurice, le sourcil froncé, la lèvre dédaigneusement relevée, le sabre hors du fourreau, il restait irrésolu entre ses sentiments d’homme qui lui ordonnaient de défendre cette femme, et ses devoirs de citoyen qui lui conseillaient de la livrer.

 

Tout à coup, au coin de la rue des Bons-Enfants, on vit briller l’éclair de plusieurs canons de fusil, et l’on entendit la marche mesurée d’une patrouille qui, apercevant un rassemblement, fit halte à dix pas à peu près du groupe, et, par la voix de son caporal, cria :

 

– « Qui vive ? »

 

– Ami ! cria Maurice ; ami ! Avance ici, Lorin.

 

Celui auquel cette injonction était adressée se remit en marche et, prenant la tête, s’approcha vivement, suivi de huit hommes.

 

– Eh ! c’est toi, Maurice, dit le caporal. Ah ! libertin ! que fais-tu dans les rues à cette heure ?

 

– Tu le vois, je sors de la section des Frères et Amis.

 

– Oui, pour te rendre dans celle des sœurs et amies ; nous connaissons cela.

 

Apprenez, ma belle,

Qu’à minuit sonnant,

Une main fidèle,

Une main d’amant,

Ira doucement,

Se glissant dans l’ombre,

Tirer les verrous,

Qui, dès la nuit sombre

Sont poussés sur vous.

 

» Hein ! n’est-ce pas cela ? 

 

– Non, mon ami, tu te trompes ; j’allais rentrer directement chez moi lorsque j’ai trouvé la citoyenne qui se débattait aux mains des citoyens volontaires ; je suis accouru et j’ai demandé pourquoi on la voulait arrêter.

 

– Je te reconnais bien là, dit Lorin.

 

Des cavaliers français tel est le caractère.

 

Puis, se retournant vers les enrôlés :

 

– Et pourquoi arrêtiez-vous cette femme ? demanda le poétique caporal.

 

– Nous l’avons déjà dit au lieutenant, répondit le chef de la petite troupe : parce qu’elle n’avait point de carte de sûreté.

 

– Bah ! bah ! dit Lorin, voilà un beau crime !

 

– Tu ne connais donc pas l’arrêté de la Commune ? demanda le chef des volontaires.

 

– Si fait ! si fait ! mais il est un autre arrêté qui annule celui-là.

 

– Lequel ?

 

– Le voici :

 

Sur le Pinde et sur le Parnasse,

Il est décrété par l’Amour

Que la Beauté, la Jeunesse et la Grâce

Pourront, à toute heure du jour,

Circuler sans billet de passe.

 

» Hé que dis-tu de cet arrêté, citoyen ? Il est galant, ce me semble.

 

– Oui ; mais il ne me paraît pas péremptoire. D’abord, il ne figure pas dans leMoniteur, puis nous ne sommes ni sur le Pinde ni sur le