: Marcel Proust
: Le côté de Guermantes Deuxième partie
: Books on Demand
: 9782322192304
: 1
: CHF 4.40
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: Hauptwerk vor 1945
: French
: 316
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Le narrateur et sa famille déménagent dans l'hôtel de Guermantes. Après un voyage à Doncières où il retrouve son ami Saint-Loup, le narrateur commence à fréquenter les salons dont celui de la marquise de Villeparisis. Cette vie désormais mondaine sera renforcée par la disparition de sa grand-mère et l'absence de ses parents partis pour Combray. Le texte est accompagné d'un appareil critique.

Marcel Proust, né à Paris le 10 juillet 1871 et mort à Paris le 18 novembre 1922, est un écrivain français, dont l'oeuvre principale est la suite romanesque intitulée À la recherche du temps perdu, publiée de 1913 à 1927.

Chapitre premier.


Maladie de ma grand’mère. Maladie de Bergotte. Le duc et le médecin. Déclin de ma grand’mère. Sa mort.

Nous retraversâmes l’avenue Gabriel, au milieu de la foule des promeneurs. Je fis asseoir ma grand’mère sur un banc et j’allai chercher un fiacre. Elle, au cœur de qui je me plaçais toujours pour juger la personne la plus insignifiante, elle m’était maintenant fermée, elle était devenue une partie du monde extérieur, et plus qu’à de simples passants, j’étais forcé de lui taire ce que je pensais de son état, de lui taire mon inquiétude. Je n’aurais pu lui en parler avec plus de confiance qu’à une étrangère. Elle venait de me restituer les pensées, les chagrins que depuis mon enfance je lui avais confiés pour toujours. Elle n’était pas morte encore. J’étais déjà seul. Et même ces allusions qu’elle avait faites aux Guermantes, à Molière, à nos conversations sur le petit noyau, prenaient un air sans appui, sans cause, fantastique, parce qu’elles sortaient du néant de ce même être qui, demain peut-être, n’existerait plus, pour lequel elles n’auraient plus aucun sens, de ce néant – incapable de les concevoir – que ma grand’mère serait bientôt.

– Monsieur, je ne dis pas, mais vous n’avez pas pris de rendez-vous avec moi, vous n’avez pas de numéro. D’ailleurs, ce n’est pas mon jour de consultation. Vous devez avoir votre médecin. Je ne peux pas me substituer, à moins qu’il ne me fasse appeler en consultation. C’est une question de déontologie...

Au moment où je faisais signe à un fiacre, j’avais rencontré le fameux professeur E..., presque ami de mon père et de mon grand-père, en tout cas en relations avec eux, lequel demeurait avenue Gabriel, et, pris d’une inspiration subite, je l’avais arrêté au moment où il rentrait, pensant qu’il serait peut-être d’un excellent conseil pour ma grand’mère. Mais, pressé, après avoir pris ses lettres, il voulait m’éconduire, et je ne pus lui parler qu’en montant avec lui dans l’ascenseur, dont il me pria de le laisser manœuvrer les boutons, c’était chez lui une manie.

– Mais, Monsieur, je ne demande pas que vous receviez ma grand’mère, vous comprendrez après ce que je vais vous dire, qu’elle est peu en état, je vous demande au contraire de passer d’ici une demi-heure chez nous, où elle sera rentrée.

– Passer chez vous ? mais, Monsieur, vous n’y pensez pas. Je dîne chez le Ministre du Commerce, il faut que je fasse une visite avant, je vais m’habiller tout de suite ; pour comble de malheur mon habit a été déchiré et l’autre n’a pas de boutonnière pour passer les décorations. Je vous en prie, faites-moi le plaisir de ne pas toucher les boutons de l’ascenseur, vous ne savez pas le manœuvrer, il faut être prudent en tout. Cette boutonnière va me retarder encore. Enfin, par amitié pour les vôtres, s