: Jane Austen
: Raison et Sentiments
: Books on Demand
: 9782322110988
: 1
: CHF 2.00
:
: Erzählende Literatur
: French
: 522
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Injus ement privées de leur héritage, Elinor et Marianne Dashwood sont contraintes de quitter le Sussex pour le Devonshire, où elles sont rapidement acceptées par la bourgoisie locale étriquée et à l'hypocrisie feutrée. L'aînée, Elinor a dû renoncer à un amour qui semblait partagé, tandis que Marianne s'éprend bien vite du séduisant Willoughby. Si Elinor, qui représente la raison, dissimule ses peines de coeur, sa cadette étale son bonheur au grand jour, incapable de masquer ses sentiments. Jusqu'au jour où Willoughby disparaît... Publié en 1811,"Raison et sentiments" est considéré comme le premier grand roman anglais du XIXe siècle. L'avant-propos d'Hélène Seyrès (l'Archipel) permet de replacer dans son contexte ce classique de la littérature, dont l'auteur a influencé nombre d'écrivains majeurs, tels Henry James, Virginia Woolf ou Katherine Mansfield.

Née à Steventon en 1775, Jane Austen est la benjamine d'une famille de huit enfants. Très tôt, suivant l'exemple familial, elle se met à écrire et s'oriente vers le récit sentimental. Dès 1795, elle commence Elinor et Marianne, première version de Raison et Sentiments. Puis, First Impressions, qui connaîtra le succès sous le titre d'Orgueil et préjugés. Après la mort de son père en 1805, elle quitte Bath pour s'installer dans le village de Chawton avec ses s¿urs. Elle meurt à 41 ans. Jane Austen laisse derrière elle des chefs-d'¿uvre, dont Mansfield Park, Emma ou Orgueil et préjugés, qui marquent profondément le monde littéraire et ne cessent d'inspirer écrivains et cinéastes d'aujourd'hui.

I


La famille Dashwood était établie depuis longtemps dans le Sussex. Son domaine était vaste, et sa résidence était à Norland Park, au centre de la propriété, où, depuis de nombreuses générations, elle avait vécu d’une façon si bienséante qu’elle s’était acquis d’une façon générale la bonne opinion de ses connaissances à la ronde. Le défunt propriétaire de ce domaine était un célibataire, qui vécut jusqu’à un âge fort avancé, et qui, pendant de nombreuses années de sa vie, eut en la personne de sa sœur une compagne et une maîtresse de maison constante. Mais la mort de celle-ci, qui eut lieu dix ans avant la sienne, produisit un grand changement dans son intérieur ; car, pour suppléer à la perte de sa sœur, il invita et reçut chez lui la famille de son neveu, Mr. Henry Dashwood, l’héritier légal du domaine de Norland, et la personne à qui il se proposait de le léguer. Dans la compagnie de son neveu et de sa nièce, et de leurs enfants, les jours du vieux gentleman s’écoulèrent agréablement. Son attachement envers eux tous s’accrut. L’attention constante de Mr. et de Mrs. Henry Dashwood à ses désirs, laquelle procédait non pas simplement de l’intérêt, mais de la bonté du cœur, lui donna la pleine mesure de réconfort solide que pouvait recevoir son âge ; et la gaieté des enfants ajouta de la saveur à son existence.

D’un mariage antérieur, Mr. Henry Dashwood avait un fils ; de sa femme actuelle, trois filles. Le fils, jeune homme sérieux et respectable, était amplement pourvu par la fortune de sa mère, qui avait été considérable, et dont la moitié lui était revenue lors de sa majorité. Par son propre mariage, également, qui eut lieu peu après, il ajouta à sa richesse. Pour lui, en conséquence, le droit de succession au domaine de Norland n’était pas véritablement aussi important que pour ses sœurs ; car leur fortune, abstraction faite de ce qui pourrait leur revenir du fait que leur père héritât de cette propriété, ne pouvait être que petite. Leur mère ne possédait rien, et leur père n’avait que sept mille livres1 en propre, car la moitié restante de la fortune de sa première femme était également assurée à l’enfant de celle-ci, et il n’en possédait que l’usufruit viager.

Le vieux gentleman mourut, on procéda à la lecture de son testament, et, comme presque tous les autres testaments, il donna autant de déception que de plaisir. Il ne fut ni assez injuste ni assez ingrat pour priver son neveu de son bien ; mais il le lui laissa moyennant des conditions qui détruisirent la moitié de la valeur de ce legs. Mr. Dashwood l’avait désiré plutôt pour sa femme et ses filles que pour lui-même ou son fils ; mais c’est à son fils et au fils de celui-ci, enfant de quatre ans, qu’il fut assuré, d’une façon telle, qu’elle ne lui laissait nul moyen de pourvoir à ceux qui lui étaient le plus chers, et qui avaient le plus besoin qu’on assurât leur avenir, par quelque privilège grevant le domaine, ou par quelque vente de ses bois précieux. Le tout était réservé au profit de l’enfant, qui, lors des visites qu’il avait faites occasionnellement avec son père et sa mère à Norland, avait à tel point gagné l’affection de son oncle, grâce aux attraits qui ne sont nullement rares chez les enfants de deux ou trois ans – une articulation imparfaite, un désir instant d’en faire à sa tête, quantité de petits tours malins, et beaucoup de bruit –, qu’elle l’avait emporté sur toutes les attentions que, depuis des années, il avait reçues de sa nièce et des filles de celle-ci. Il n’avait toutefois nulle intention de se montrer désobligeant, et, comme marque d’affection envers les jeunes filles, il leur laissait à chacune un millier de livres.

La déception de Mr. Dashwood fut, au premier abord, fort vive ; mais son caractère était enjoué et optimiste, et il pouvait raisonnablement espérer vivre de longues années, et, en vivant économiquement, mettre de côté une somme considérable à provenir du produit d’un domaine déjà vaste,