: Charles Ferdinand Ramuz
: Les Signes parmi nous
: Librorium Editions
: 9783966610988
: 1
: CHF 0,90
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: Hauptwerk vor 1945
: French
: 215
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Fin juillet 1918, un colporteur biblique nommé Caille, va de fermes en maisons de village, en passant aussi par les champs, le lac et lusine. Il rencontre ainsi tous les habitants, enfants, ménagères, ouvriers, vignerons, pêcheurs et paysans, à qui il essaie de transmettre le message de lApocalypse de Jean : ' Les Signes sont parmi nous '. Certains lécoutent, dautres le rejettent, mais tous lentendent et linterprètent à leur manière. Puis tout à coup, les éléments naturels se déchaînent, le ciel sassombrit, la chaleur sintensifie, la pluie tombe à verse, les ouvriers de la verrerie se sont mis en grève et défilent à grand bruit, partout les gens meurent brusquement dune étrange maladie, est-ce lApocalypse annoncée par Caille ?

Charles Ferdinand Ramuz, né à Lausanne le 24 septembre 1878 et mort à Pully le 23 mai 1947, est un écrivain et poète suisse dont l'uvre comprend des romans, des essais et des poèmes où figurent au premier plan les espoirs et les désirs de l'Homme.

II


Drôle de temps que c’est et plein de contradictions, n’est-ce pas ? les uns ont tout, les autres rien.

On cherche à comprendre.

Quand on voit la moisson qu’on aura cette année, on n’arrive pas à se représenter qu’il y ait des pays où on meure de faim.

On dit que le mark est à 66 et partout la puissance d’achat de l’argent a diminué au moins de la moitié ; nous, notre argent est en terres : or, la terre a doublé de prix.

On dit qu’il y a des famines un peu partout dans le monde ; nulle part ici la famine n’est criée, bien au contraire, comme vous voyez, c’est l’abondance qui est criée ; partout les champs qui la déclarent, roses d’esparcette, gris d’avoine, ou d’avance couleur de pain à cause du blé qui a bruni.

On dit également qu’il y a beaucoup de maladies dans le pays, terriblement de maladies : mais, disent les gens incrédules, est-ce qu’il n’y en a pas toujours eu ? est-ce que les savants dans les journaux n’annoncent pas qu’il faut s’attendre, tous les vingt ou trente ans, à ces retours d’épidémies ?

Ailleurs ils ont des tués par milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers : ici les murs du petit cimetière, quoique bas, n’ont pas été débordés ; cinquante ans de nos morts tiennent à l’aise derrière, toute la collection de ceux dont on est sortis, depuis le temps de nos grands-pères et grand’mères, sans qu’on ait eu besoin de s’en débarrasser.

Et ailleurs tremblent les maisons, quand la pièce lourde lâche son coup ; elles penchent d’un côté, de l’autre, comme si elles allaient tomber, il leur faut un moment pour retrouver leur équilibre ; ici on entend bien le canon, mais c’est un canon pas méchant, c’est l’artillerie qui s’exerce, écoutez, ils tirent à Bière, personne n’y fait attention.

À l’auberge de commune, le syndic était en train de causer avec le nommé Christinet, qui passait pour avoir gagné une centaine de mille francs depuis le commencement de la guerre. Christinet disait :

— Ça va bien !

Le vieux fer, le cuivre, le laiton, l’étain, le papier, le tartre, les peaux de lapin ; Christinet de nouveau :

— Ça va bien !

Est