: Alexandre Dumas
: Othon l'archer
: Books on Demand
: 9782322134601
: 1
: CHF 2.20
:
: Krimis, Thriller, Spionage
: French
: 131
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
1340. Le comte Ludwig, landgrave de Godesberg, vit les tourments du doute et de la jalousie. Le poison du soupçon l'a envahi : son jeune fils Othon est-il bien de son sang, ou le fruit d'amours adultérines entre sa femme Emma et le fidèle Albert, son compagnon d'enfance ? Bien vite, sa décision est prise : il cloître sa femme au couvent, et veut enfermer son fils dans un monastère. Othon préférera la mort, en se jetant dans les eaux du Rhin. Mais le destin n'en fait qu'à sa tête : miraculeusement épargné par le fleuve, nous suivrons donc les pérégrinations du jeune homme dans sa quête de vérité et de justice, armé de ses seuls courage et dévouement envers son aimée, la princesse Héléna. Petit chef-d'oeuvre de romantisme, Othon l'archer permet à Alexandre Dumas (1802-1870) de se livrer, par cette immersion au coeur de l'Europe médiévale, à l'exaltation de la seule véritable noblesse : celle de l'âme.

Alexandre Dumas, de son vrai nom Alexandre Davy de la Pailleterie est né à Villers-Cotterêts en 1802. La mort prématurée de son père, le général Dumas (1762-1806), le prive de la possibilité de faire des études supérieures. Obligé de travailler dès son plus jeune âge - il débute comme clerc de notaire - Alexandre Dumas tente sa chance à Paris en 1822. Il a alors vingt ans. Sa"belle plume" lui vaut d'être embauché dans les bureaux du duc d'Orléans. Il commence par publier quelques chroniques dans la presse. A partir de 1825, il écrit, en collaboration avec Adolphe de Leuven, des vaudevilles. Ceux-ci ne seront pas représentés. Alexandre Dumas s'essaye alors à des poèmes qu'il parvient à publier. Il rencontre des comédiens dont le tragédien Talma, qui l'encourage. Il découvre aussi le théâtre de Shakespeare à l'occasion d'une tournée en France de comédiens anglais. Il fréquente alors un groupe de jeunes écrivains animés par Charles Nodier. En 1828, Alexandre Dumas propose à la Comédie-Française, Christine, une tragédie en vers. La pièce sera présentée au comité de lecture mais ne sera pas jouée, en raison de la concurrence d'autres pièces traitant le même sujet. En 1829, Alexandre Dumas connaît un immense succès avec Henri III et sa cour, un drame historique, créé à Comédie-Française. La pièce vaut à Dumas de devenir l'une des figures de proue du théâtre romantique. Elle lui permet également d'acquérir argent et notoriété. Il écrit alors de nombreuses pièces, dont Antony (1831), La Tour de Nesle (1832), le Mari de la veuve (1832), Kean ou Désordre et Génie (1836), Caligula (1837).

Chapitre 1


Vers la fin de l’année 1340, par une nuit froide, mais encore belle de l’automne, un cavalier suivait le chemin étroit qui côtoie la rive gauche du Rhin. On aurait pu croire, attendu l’heure avancée et le pas rapide qu’il avait fait prendre à son cheval, si fatigué qu’il fût de la longue journée déjà faite, qu’il allait s’arrêter au moins pendant quelques heures dans la petite ville d’Oberwinter, dans laquelle il venait d’entrer ; mais, au contraire, il s’engagea du même pas, et en homme à qui elles sont familières, au milieu de rues étroites et tortueuses qui pouvaient abréger de quelques minutes son chemin, et reparut bientôt de l’autre côté de la ville, sortant par la porte opposée à celle par laquelle il était entré. Comme, au moment où l’on baissait la herse derrière lui, la lune, voilée jusque-là, venait justement d’entrer dans un espace pur et brillant comme un lac paisible au milieu de cette mer de nuages qui roulait au ciel ses flots fantastiques, nous profiterons de ce rayon fugitif pour jeter un coup d’œil rapide sur le nocturne voyageur.

C’était un homme de quarante-huit à cinquante ans, de moyenne taille, mais aux formes athlétiques et carrées, et qui semblait, tant ses mouvements étaient en harmonie avec ceux de son cheval, avoir été taillé dans le même bloc de rocher. Comme on était en pays ami et par conséquent éloigné de tout danger, il avait accroché son casque à l’arçon de sa selle, et n’avait, pour garantir sa tête de l’air humide de la nuit, qu’un petit capuchon de mailles doublé de drap, qui, lorsque le casque était en son lieu ordinaire, retombait en pointe entre les deux épaules. Il est vrai qu’une longue et épaisse chevelure, qui commençait à grisonner, rendait à son maître le même service qu’aurait pu faire la coiffure la plus confortable, enfermant en outre, comme dans son cadre naturel, sa figure à la fois grave et paisible comme celle d’un lion. Quant à sa qualité, ce n’eût été un secret que pour le peu de personnes qui, à cette époque, ignoraient la langue héraldique car, en jetant les yeux sur son casque, on en voyait sortir, à travers une couronne de comte qui en formait le cimier, un bras nu levant une épée nue, tandis que, de l’autre côté de la selle, brillaient sur fond de gueules, au bouclier attaché en regard, les trois étoiles d’or posées deux et une de la maison de Hombourg, l’une des plus vieilles et des plus considérées de toute l’Allemagne. Maintenant, si l’on veut en savoir davantage sur le personnage que nous venons de mettre en scène, nous ajouterons que le comte Karl arrivait de Flandre, où il était allé, sur l’ordre de l’empereur Louis V de Bavière, prêter le secours de sa vaillante épée à Édouard III d’Angleterre, nommé, dix-huit mois auparavant, vicaire général de l’Empire, lequel, grâce aux trêves d’un an qu’il venait de signer avec Philippe de Valois, par l’intercession de Mme Jeanne, sœur du roi de France et mère du comte de Hainaut, lui avait rendu momentanément sa liberté.

Parvenu à la hauteur du petit village de Melhem, le voyageur quitta la route qu’il avait suivie depuis Coblentz pour prendre un sentier qui entrait directement dans les terres. Un instant le cheval et le cavalier s’enfoncèrent dans un ravin, puis bientôt reparurent de l’autre côté, suivant à travers la plaine un chemin qu’ils semblaient bien connaître tous deux. En effet, au bout de cinq minutes de marche, le cheval releva la tête et hennit comme pour annoncer son arrivée, et, cette fois, sans que son maître eût besoin de l’exciter ni de la parole ni de l’éperon, il redoubla d’ardeur, si bien qu’au bout d’un instant ils laissèrent dans l’ombre à leur gauche le petit village de Godesberg, perdu dans un massif d’arbres, et, quittant le chemin qui conduit de Rolandseck à Bone, en prenant une seconde fois à gauche, ils s’avancèrent directement vers le château situé au haut d’une colline, et qui porte le même nom que la ville, soit qu’il l’ait reçu d’elle, soit qu’il le lui ait donné.

Il était dès lors évident que le château de Godesberg était le but de la route du comte Karl ; mais, ce qui était plus sûr encore, c’est qu’il allait arriver au lieu de sa destination au milieu d’une fête. À mesure qu’il gravissait le chemin en spirale qui partait du bas de la montagne et aboutissait à la grande porte, il voyait chaque façade à son tour jeter de la lumière par toutes ses fenêtres puis, derrière les tentures chaudement éclairées, se mouvoir des ombres nombreuses dessinant des groupes variés. Il n’en continua pas moins sa route, quoiqu’il eût été facile de juger, au léger froncement de ses sourcils, qu’il eût préféré tomber au milieu de l’intimité de la famille que dans le tumulte d’un bal, de sorte que, quelques minutes après, il franchissait la porte du château.

La cour était pleine d’écuyer