: Jules Verne
: Clovis Dardentor
: Books on Demand
: 9782322090693
: 1
: CHF 2.60
:
: Krimis, Thriller, Spionage
: French
: 266
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Clovis Dardentor est un roman de Jules Verne paru en 1896, d'abord en feuilleton du 1er juillet au 15 décembre dans le Magasin d'Éducation et de Récréation, puis en volume dès le 23 novembre. Marcel Lornans et son cousin Jean Taconnat s'embarquent pour l' Algérie avec l'intention de s'engager dans les chasseurs d'Afrique. Sur le même paquebot, les époux Désirandelle, petits bourgeois bornés, et leur fils Agathocle rejoignent sa future fiancée, Louise Elissane à Oran. Ils sont accompagnés par Clovis Dardentor, ancien industriel de Perpignan, au caractère exubérant, et possesseur d'une fortune confortable. Des liens amicaux se tissent entre ce dernier et les deux jeunes gens. A l'arrivée, Dardentor présente Marcel et Jean à la famille Elissane.

De tous les écrivains français, Jules Verne est le plus connu et le plus reconnu à l'étranger tout en étant le plus méconnu dans son propre pays. Pour certains, c'est le père de la science-fiction; et pour d'autres, c'est un simple auteur d'ouvrages pour la jeunesse. Ces deux façons de penser ont beau être répandues, elles n'en sont pas moins fausses. Jules Verne naît en 1828 à Nantes, d'un père avocat. Enfant, il se passionne pour les voyages et observe souvent les bateaux en partance. Il raconte même, dans ses souvenirs d'enfance, comment, naufragé sur l'île Feydeau située au milieu de la Loire, il s'est pris pour un Robinson pendant quelques heures. Étudiant, il se lance dans la littérature et quitte le droit au désespoir de son père. Après quelques pièces de théâtre, dont une (Les Pailles rompues, 1850) qui connaît un certain succès, il s'essaie au roman et, en 1862, rencontre Hetzel, le célèbre éditeur auquel il propose le manuscrit de Cinq Semaines en ballon; celui-ci lui donne quelques conseils et quelques semaines pour retravailler ce premier jet. Quelques temps après, Jules Verne le lui ramène et Hetzel le publie: c'est le succès. Suivront de nombreux romans qui feront de lui l'auteur le plus imaginatif de son siècle : Voyage au centre de la Terre (1864), De la Terre à la Lune (1865), Autour de la Lune (1869), Vingt Mille Lieues sous les mers (1869-1870), Le Tour du monde en 80 jours (1872)...

2


Dans lequel le principal personnage de cette histoire est décidément présenté au lecteur

« Nous voici en route, dit Marcel Lornans, en route vers...

– L’inconnu, répliqua Jean Taconnat, l’inconnu qu’il faut fouiller pour trouver du nouveau, a dit Baudelaire !

– L’inconnu, Jean ?... Est-ce que tu espères le rencontrer dans une simple traversée de la France à l’Afrique, un voyage de Cette à Oran ?...

– Qu’il ne s’agisse que d’une navigation de trente à quarante heures, Marcel, d’un simple voyage dont Oran doit fournir la première et peut-être l’unique étape, je ne le conteste pas. Mais, quand on part, sait-on toujours où l’on va ?...

– Assurément, Jean, lorsqu’un paquebot vous mène là où vous devez aller, et à moins d’accidents de mer...

– Eh ! qui te parle de cela, Marcel ? répondit Jean Taconnat d’un ton dédaigneux. Des accidents de mer, une collision, un naufrage, une explosion de machine, une robinsonnade de quelque vingt ans sur une île déserte, la belle affaire !... Non ! L’inconnu, dont je ne me préoccupe guère d’ailleurs, c’est l’X de l’existence, c’est ce secret du destin que, dans les temps antiques, les hommes gravaient sur la peau de la chèvre Amalthée, c’est ce qui est écrit dans le grand livre de là-haut et que les meilleures besicles ne nous permettent pas de lire, c’est l’urne dans laquelle sont déposés les bulletins de la vie et que tire la main du hasard...

– Mets une digue à ce torrent de métaphores, Jean, s’écria Marcel Lornans, ou tu vas me donner le mal de mer !

– C’est le décor mystérieux sur lequel va se lever le rideau d’avant-scène...

– Assez, dis-je, assez ! Ne t’emballe pas ainsi dès le début !... Ne caracole pas sur le dada des chimères !... Ne chevauche pas à bride abattue...

– Eh !... là-bas !... Il me semble que te voici métaphorisant à ton tour !...

– Tu as raison, Jean. Raisonnons froidement, et voyons les choses comme elles sont. Ce que nous voulons faire est dépourvu de tout aléa. Nous avons pris à Cette passage pour Oran, avec un millier de francs chacun dans notre poche, et nous allons nous engager au 7e chasseurs d’Afrique. Il n’y a rien là que de très sage, de très simple, et l’inconnu, avec ses fantaisistes perspectives, ne saurait apparaître en tout cela...

– Qui sait ? » répondit Jean Taconnat en traçant de son index un point interrogatif.

Cette conversation, qui marque de certains traits distinctifs le caractère de ces deux jeunes gens, se tenait à l’arrière de la dunette. Du banc ajusté contre la rambarde à mailles de filet, leur regard, porté vers l’avant, n’était arrêté que par le roufle de la passerelle, qui dominait le pont entre le grand mât et le mât de misaine du paquebot.

Une vingtaine de passagers occupaient les bancs latéraux et les pliants, que la tente, suspendue à l’araignée de sa drisse, abritait des rayons du soleil.

Au nombre de ces passagers figuraient M. Désirandelle et son fils. Le premier parcourait fébrilement le pont, les mains tantôt derrière le dos, tantôt levées vers le ciel. Puis il allait s’accouder sur la rambarde et contemplait le sillage de l’Argèlès, comme si M. Dardentor, transformé en marsouin, eût été sur le point d’apparaître au milieu des déchirures de la blanche écume du sillage.

Lui, Agathocle, persistait à montrer la plus absolue indifférence au mécompte dont ses parents éprouvaient tant de surprise et d’ennui.

Des autres voyageurs, les uns, les plus insensibles au roulis, qui d’ailleurs était faible, se promenaient, causant, fumant, se passant de main en main la longue-vue du bord, afin d’observer la côte fuyante, accidentée vers l’ouest d’une superbe crête des montagnes pyrénéennes. D’autres, moins assurés contre les oscillations de l’Argèlès, étaient assis sur les fauteuils d’osier dans le coin qui aurait leur préférence pendant toute la traversée. Quelques voyageuses, enveloppées de châles, l’air résigné à d’inévitables malaises, la mine déconfite, avaient pris place à l’abri des roufles, plus rapprochées du centre où les balancements du tangage se font moins sentir, des groupes familiaux de mères avec leurs enfants, très sympathiques à coup sûr, mais qui regrettaient de ne pas être plus âgées d’une cinquantaine d’heures.

Autour des passagères circulaient les femmes de chambre du paquebot ; autour des passagers, les mousses du bord, guettant un geste, un signe pour accourir et offrir leurs services... indispensables et fructueux.

De ces divers voyageurs, combien viendraient s’asseoir à la table de la salle à manger, l