: Guy de Maupassant
: Toine
: Books on Demand
: 9782322160822
: 1
: CHF 2.20
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: Hauptwerk vor 1945
: French
: 147
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Un paralytique qui couve des oeufs; des soldats prussiens mystérieusement assassinés; une paysanne qui venge la mort de son fils: un infirme rejeté par tous; un jeune homme qui doit renoncer à sa fiancée; l'étrange découverte d'une chevelure dans un tiroir; un couple qui s'use au travail pour rembourser une parure de diamants; un oncle parti faire fortune en Amérique; un vieux professeur de latin qui tombe amoureux...Voici des contes étonnants, émouvants, souvent cruels, pour sourire ou frémir

Guy de Maupassant est un écrivain français né le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques (Seine-Inférieure) et mort le 6 juillet 1893 à Paris. Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, il a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, et surtout par ses nouvelles (parfois intitulées contes) comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887). Ces oeuvres retiennent l'attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s'en dégage le plus souvent, mais aussi par la maîtrise stylistique.

Bombard


Simon Bombard la trouvait souvent mauvaise, la vie ! Il était né avec une incroyable aptitude pour ne rien faire et avec un désir immodéré de ne point contrarier cette vocation. Tout effort moral ou physique, tout mouvement accompli pour une besogne lui paraissait au-dessus de ses forces. Aussitôt qu’il entendait parler d’une affaire sérieuse il devenait distrait, son esprit étant incapable d’une tension ou même d’une attention.

Fils d’un marchand de nouveautés de Caen, il se l’était coulée douce, comme on disait dans sa famille, jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans.

Mais ses parents demeurant toujours plus près de la faillite que de la fortune, il souffrait horriblement de la pénurie d’argent.

Grand, gros, beau gars, avec des favoris roux, à la normande, le teint fleuri, l’œil bleu, bête et gai, le ventre apparent déjà, il s’habillait avec une élégance tapageuse de provincial en fête. Il riait, criait, gesticulait à tout propos, étalant sa bonne humeur orageuse avec une assurance de commis-voyageur. Il considérait que la vie était faite uniquement pour bambocher et plaisanter, et sitôt qu’il lui fallait mettre un frein à sa joie braillarde, il tombait dans une sorte de somnolence hébétée, étant même incapable de tristesse.

Ses besoins d’argent le harcelant, il avait coutume de répéter une phrase devenue célèbre dans son entourage :

– Pour dix mille francs de rente, je me ferais bourreau.

Or, il allait chaque année passer quinze jours à Trouville. Il appelait ça « faire sa saison ».

Il s’installait chez des cousins qui lui prêtaient une chambre, et, du jour de son arrivée au jour du départ, il se promenait sur les planches qui longent la grande plage de sable.

Il allait d’un pas assuré, les mains dans ses poches ou derrière le dos, toujours vêtu d’amples habits, de gilets clairs et de cravates voyantes, le chapeau sur l’oreille et un cigare d’un sou dans le coin de la bouche.

Il allait, frôlant les femmes élégantes, toisant les hommes en gaillard prêt àse flanquer une tripotée, et cherchant... cherchant... car il cherchait.

Il cherchait une femme, comptant sur sa figure, sur son physique. Il s’était dit :

– Que diable, dans le tas de celles qui viennent là, je finirai bien par trouver mon affaire. Et il cherchait avec un flair de chien de chasse, un flair de Normand, sûr qu’il la reconnaîtrait, rien qu’en l’apercevant, celle qui le ferait riche.

*

Ce fut un lundi matin qu’il murmura :

– Tiens – tiens – tiens.

Il faisait un temps superbe, un de ces temps jaunes et bleus du mois de juillet où on dirait qu’il pleut de la chaleur. La vaste plage couverte de monde, de toilettes, de couleurs, avait l’air d’un jardin de femmes ; et les barques de pêche aux voiles brunes, presque immobiles sur l’eau bleue, qui les reflétait la tête en bas, semblaient dormir sous le grand soleil de dix heures. Elles restaient là, en face de la jetée de bois, les unes tout près, d’autres plus loin, d’autres très loin, sans remuer, comme accablées par une paresse de jour d’été, trop nonchalantes pour gagner la haute mer ou même pour rentrer au port. Et, là-bas, on apercevait vaguement, dans une brume, la côte du Havre portant à son sommet deux points blancs, les phares de Sainte-Adresse.

Il s’était dit :

– Tiens, tiens, tiens ! en la rencontrant pour la troisième fois et en senta