: Comtesse de Ségur, Editions Amaranthia
: Les Petites Filles Modèles (avec 20 illustrations)
: Books on Demand
: 9782322143771
: 1
: CHF 2.50
:
: Jugendbücher ab 12 Jahre
: French
: 212
: DRM
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Camille et Madeleine, les deux soeurs, s'entendent à merveille, partagent les mêmes jeux, les mêmes émotions. Camille, l'aînée, est vive, espiègle, hardie. Madeleine est plus réservée, sensible, solitaire.Promenades en calèche, sauvetage d'un rouge-gorge tombé du nid, indigestions de cassis, disputes et réconciliations, fêtes et parties de campagne... Avec leurs amies Marguerite et Sophie, les petites filles modèles vivent au jour le jour les grandes joies et les petites catastrophes de l'enfance.

Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur, née Sofia Fiodorovna Rostoptchina est une femme de lettres française d'origine russe. Elle est la fille du gouverneur de Moscou, Rostopchine, qui, en 1812, mit le feu à la ville pour faire reculer Napoléon. Arrivée en France à l âge de dix-sept ans, elle épouse, trois ans plus tard, le comte de Ségur qui lui donnera huit enfants. Elle commence à écrire à l âge de cinquante-cinq ans, alors qu'elle est déjà grand-mère. Son mari aurait rencontré dans un train Louis Hachette qui cherchait alors de la littérature pour distraire les enfants. Eugène de Ségur, alors Président des Chemins de Fer. Celle-ci signe son premier contrat en octobre 1855 pour seulement 1 000 francs. Le succès de ce premier ouvrage l'encourage à poursuivre.

V - Les fleurs cueillies et remplacées.


V
Les fleurs cueillies et remplacées.
« Mon Dieu ! mon Dieu ! que je m’ennuie toute seule ! pensa Marguerite après avoir marché un quart d’heure. Pourquoi donc Madeleine m’a-t-elle forcée de sortir ?... Camille voulait bien me garder ; je l’ai bien vu !... Quand je suis seule avec Camille, elle me laisse faire tout ce que je veux.... Comme je l’aime, Camille !... J’aime beaucoup Madeleine aussi ; mais.... je m’amuse davantage avec Camille. Qu’est-ce que je vais faire pour m’amuser ?... Ah ! j’ai une bonne idée. Je vais nettoyer et balayer leur petit jardin. »
Elle courut vers le jardin de Camille et de Madeleine, le nettoya, balaya les feuilles tombées, et se mit ensuite à examiner toutes les fleurs. Tout à coup l’idée lui vint de cueillir un beau bouquet pour Camille et pour Madeleine.
« Comme elles seront contentes ! se dit-elle. Je vais prendre toutes les fleurs ! J’en ferai un magnifique bouquet ; elles le mettront dans leur chambre, qui sentira bien bon ! »
Voilà Marguerite enchantée de son idée ; elle cueille œillets, giroflées, marguerites, roses, dahlias, réséda, jasmin, enfin tout ce qui se trouvait dans le jardin. Elle jetait les fleurs à mesure dans son tablier, dont elle avait relevé les coins, les entassait tant qu’elle pouvait et ne leur laissait presque pas de queue.
Quand elle eut tout cueilli, elle courut à la maison, entra précipitamment dans la chambre où travaillaient encore Camille et Madeleine, et, courant à elles d’un air radieux :
« Tenez Camille, tenez Madeleine, regardez ce que je vous apporte, comme c’est beau ! »
Et ouvrant son tablier, elle leur fit voir toutes ces fleurs fripées, fanées, écrasées.
« J’ai cueilli tout cela pour vous, leur dit-elle ; nous les mettrons dans votre chambre, pour qu’elle sente bon ! »
Camille et Madeleine se regardèrent en souriant. Puis, l’hilarité les gagna à la vue de ces paquets de fleurs flétries, et de l’air triomphant de Marguerite ; enfin elles se mirent à rire aux éclats en voyant la figure rouge, déconcertée et mortifiée de Marguerite. La pauvre petite avait laissé tomber les fleurs par terre ; elle restait immobile, la bouche ouverte, et regardait rire Camille et Madeleine.
Enfin Camille put parler.
« Où as-tu cueilli ces belles fleurs, Marguerite ?
— Dans votre jardin.
— Dans notre jardin ! s’écrièrent à la fois les deux sœurs qui n’avaient plus envie de rire. Comment ? tout cela dans notre jardin ?
— Tout, tout, même les boutons. »
Camille et Madeleine se regardèrent d’un air consterné et douloureux. Marguerite, sans le vouloir, leur causait un grand chagrin. Elles réservaient toutes ces fleurs pour offrir un bouquet à leur maman le jour de sa fête, qui était le surlendemain, et voilà qu’il n’en restait plus une seule. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’eut le courage de gronder la pauvre Marguerite, qui arrivait si joyeuse et qui avait cru leur causer une si agréable surprise.
Marguerite, étonnée de ne pas recevoir les remerîments et les baisers auxquels elle s’attendait, regarda attentivement les deux sœurs, et, lisant leur chagrin sur leurs figures consternées, elle comprit vaguement qu’elle avait fait quelque chose de mal, et se mit à pleurer.
Madeleine rompit enfin le silence.
« Ma petite Marguerite, nous t’avons dit bien des fois de ne toucher à rien sans en demander la permission. Tu as cueilli nos fleurs et tu nous as fait de la peine. Nous voulions donner après-demain à maman, pour sa fête, un beau bouquet de fleurs plantées et arrosées par nous. Maintenant, par ta faute, nous n’avons plus rien à lui donner. »
Les pleurs de Marguerite redoublèrent.
« Nous ne te grondons pas, reprit Camille, parce que nous