HEURES DE PRISON
Un livre me tombe sous la main, qui réveille en moi de vieux souvenirs, un livre comme ceux de Pélisson, de Latude, du baron de Trenck, de Silvio Pellico et d'Andriane.
Celle qui l'a écrit n'est plus qu'un cadavre froid et insensible; le coeur qui a battu sous tant de douloureuses impressions s'est arrêté; l'âme qui a jeté de si lamentables cris est remontée au ciel.
Marie Capelle était-elle coupable ou non? Ceci est maintenant une affaire entre ses juges et Dieu. Elle disait obstinément, éternellement: Non! La loi a dit une seule fois: Oui, et cette seule affirmation l'a emporté sur toutes ses dénégations.
Nous l'avons connue enfant, parée de la double robe virginale, de la jeunesse et de l'innocence. Si notre conscience avait à prendre un parti, peut-être, comme la loi, dirait-elle: Oui; si notre coeur et notre imagination avaient à absoudre ou à condamner, peut-être, comme la victime, diraient-ils: Non.
En tout cas, coupable ou innocente, Marie Capelle est morte; elle a pour elle aujourd'hui l'expiation du cachot, la réhabilitation de la tombe. Recueillons donc les larmes qui, pendant onze ans, sont tombées goutte à goutte de ses yeux. Que ce soit le remords, l'injustice ou le désespoir qui les ait fait couler, celle qui les versait, pécheresse ou martyre, est maintenant à la droite du Seigneur; ses larmes sont pures comme le liquide cristal qui sort du rocher.
Aussi accorderons-nous au livre un peu plus d'espace, à la prisonnière un peu plus de temps que d'autres ne leur en ont accordé. Ni la prisonnière ni le livre ne nous sont étrangers. J'étais lié au grand-père de Marie Capelle, mon tuteur; je suis lié à sa mère par les liens de la famille: Antonine, sa soeur, a épousé un de mes parents.
On me dit que sa famille, qui l'avait abandonnée avant son mariage, l'a reniée après son crime.--Remarquez que je parle au point de vue de la loi, et que je la tiens coupable, du moment que le jury a dit qu'elle l'était.
Mais, de mon côté, il n'en a pas été ainsi: au moment du procès, j'ai fait ce que j'ai pu pour la sauver; condamnée et captive, j'ai fait ce que j'ai pu pour la faire sortir de prison.
En 1848, j'étais près d'obtenir du roi Louis-Philippe, qui, aux yeux de la nature, lui était plus proche parent que moi, la grâce de Marie Capelle. J'avais parole du ministre de la justice qu'elle passerait de la prison de Montpellier dans une maison de santé, et, de la maison de santé, à l'air libre. Pauvre hirondelle, comme elle eût secoué ses ailes en deuil! comme elle eût chanté son plus joyeux chant!
Maintenant, pourquoi, en 1847 et 1848, avais-je redoublé d'efforts pour rendre la liberté à la pauvre prisonnière? d'où vient que je m'étais exposé à toutes les avanies auxquell