X L'HOMME AUX CUIRASSES
Pertinax avait bien raison de regretter sa cuirasse absente, car à cette heure justement, par l'intermédiaire de ce singulier laquais que nous avons vu parler si familièrement à son maître, il venait de s'en défaire à tout jamais.
En effet, sur ces mots magiques prononcés par madame Fournichon: dix écus, le valet de Pertinax avait couru après le marchand.
Comme il faisait déjà nuit et que sans doute le marchand de ferraille était pressé, ce dernier avait déjà fait une trentaine de pas lorsque Samuel sortit de l'hôtel.
Celui-ci fut donc obligé d'appeler le marchand de ferraille.
Celui-ci s'arrêta avec crainte et jeta un coup d'oeil perçant sur l'homme qui venait à lui; mais le voyant chargé de marchandises, il s'arrêta.
-- Que voulez-vous, mon ami? lui dit-il.
-- Eh! pardieu! dit le laquais d'un air fin, ce que je veux, c'est faire affaire avec vous.
-- Eh bien, alors faisons vite.
-- Vous êtes pressé?
-- Oui.
-- Oh! vous me donnerez bien le temps de souffler, que diable!
-- Sans doute, mais soufflez vite, on m'attend.
Il était évident que le marchand conservait une certaine défiance à l'endroit du laquais.
-- Quand vous aurez vu ce que je vous apporte, dit ce dernier, comme vous me paraissez amateur, vous prendrez votre temps.
-- Et que m'apportez-vous?
-- Une magnifique pièce, un ouvrage dont.... Mais vous ne m'écoutez pas.
-- Non, je regarde.
-- Quoi?
-- Vous ne savez donc pas, mon ami, dit l'homme aux cuirasses, que le commerce des armes est défendu par un édit du roi?
Et il jetait autour de lui des regards inquiets.
Le laquais jugea qu'il était bon de paraître ignorer.
-- Je ne sais rien, moi, dit-il; j'arrive de Mont-de-Marsan.
-- Ah! c'est différent alors, dit l'homme aux cuirasses, que cette réponse parut rassurer un peu; mais quoique vous-arriviez de Mont-de-Marsan, continua-t-il, vous savez cependant déjà que j'achète des armes?
-- Oui, je le sais.