: Théophile Gautier
: Mademoiselle de Maupin
: Booklassic
: 9789635256631
: 1
: CHF 0.10
:
: Erzählende Literatur
: French
: 242
: kein Kopierschutz
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB

La «Préface», oeuvre a part entiere, fait date dans l'histoire littéraire. Sur un ton enlevé, perfide et caustique, l'auteur attaque les bien-pensants, représentants de la tartufferie et de la censure, et ceux qui voudraient voir un côté «utile» dans une oeuvre littéraire, alors que l'art, par définition non assujetti a la morale ou a l'utilité, échappe a la notion de progres pour ne s'allier qu'a celle du plaisir.
Le roman lui-meme, en grande partie épistolaire, nous parle avant tout de l'Amour, du Sexe, de la Femme, de l'Homme, éternels sujets...

Préface – Non, imbéciles, non, crétins et goitreux…


 

Non, imbéciles, non, crétins et goitreux que vous êtes, un livre ne fait pas de la soupe à la gélatine ; – un roman n’est pas une paire de bottes sans couture ; un sonnet, une seringue à jet continu ; un drame n’est pas un chemin de fer, toutes choses essentiellement civilisantes, et faisant marcher l’humanité dans la voie du progrès.

De par les boyaux de tous les papes passés, présents et futurs, non et deux cent mille fois non.

On ne se fait pas un bonnet de coton d’une métonymie, on ne chausse pas une comparaison en guise de pantoufle ; on ne se peut servir d’une antithèse pour parapluie ; malheureusement, on ne saurait se plaquer sur le ventrequelques rimes bariolées en manière de gilet. J’ai la conviction intime qu’une ode est un vêtement trop léger pour l’hiver, et qu’on ne serait pas mieux habillé avec la strophe, l’antistrophe et l’épode que cette femme du cynique qui se contentait de sa seule vertu pour chemise, et allait nue comme la main, à ce que raconte l’histoire.

Cependant le célèbre M. de La Calprenède eut une fois un habit, et, comme on lui demandait quelle étoffe c’était, il répondit : Du Silvandre. –Silvandre était une pièce qu’il venait de faire représenter avec succès.

De pareils raisonnements font hausser les épaules par-dessus la tête, et plus haut que le duc de Glocester.

Des gens qui ont la prétention d’être des économistes, et qui veulent rebâtir la société de fond en comble, avancent sérieusement de semblables billevesées.

Un roman a deux utilités : – l’une matérielle, l’autre spirituelle, si l’on peut se servir d’une pareille expression à l’endroit d’un roman. – L’utilité matérielle, ce sont d’abord les quelques mille francs qui entrent dans la poche de l’auteur, et le lestent de façon que le diable ou le vent ne l’emportent ; pour le libraire, c’est un beau cheval de race qui piaffe et saute avec son cabriolet d’ébène et d’acier, comme dit Figaro ; pour le marchand de papier, une usine de plus sur un ruisseau quelconque, et souvent le moyen de gâter un beau site ; pour les imprimeurs, quelques tonnes de bois de campêche pour semettre hebdomadairement le gosier en couleur ; pour le cabinet de lecture, des tas de gros sous très prolétairement vert-de-grisés, et une quantité de graisse, qui, si elle était convenablement recueillie et utilisée, rendrait superflue la pêche de la baleine. – L’utilité spirituelle est que, pendant qu’on lit des romans, on dort, et on ne lit pas