: François-René de Chateaubriand
: Les Voyages de Chateaubriand (?uvres complètes - 5 titres) Voyage en Italie + Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris + Voyage en Amérique + Voyage au Mont-Blanc + Cinq jours à Clermont (Auvergne) + Voyage en Grèce + Voyage d'Egypte...
: e-artnow
: 9788026841937
: 1
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: Reiseberichte, Reiseerzählungen
: French
: 160
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Ce livre numérique présente 'Les Voyages de Chateaubriand (?uvres complètes - 5 titres)' avec une table des matières dynamique et détaillée. Notre édition a été spécialement conçue pour votre tablette/liseuse et le texte a été relu et corrigé soigneusement. François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848) est un écrivain et homme politique français. Il est considéré comme l'un des précurseurs du romantisme français et l'un des grands noms de la littérature française. Table des matières: Voyage en Italie Voyage au Mont-Blanc Voyage en Amérique Cinq jours à Clermont (Auvergne) Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris Biographie : Chateaubriand (De L'académie Française par Jules Lemaître) Extrait : ' Les voyages sont une des sources de l'histoire: l'histoire des nations étrangères vient se placer, par la narration des voyageurs, auprès de l'histoire particulière de chaque pays. Autrefois, quand on avait quitté ses foyers comme Ulysse, on était un objet de curiosité; aujourd'hui, excepté une demi-douzaine de personnages hors de ligne par leur mérite individuel, qui peut intéresser au récit de ses courses? Je viens me ranger dans la foule des voyageurs obscurs qui n'ont vu que ce que tout le monde a vu, qui n'ont fait faire aucun progrès aux sciences, qui n'ont rien ajouté au trésor des connaissances humaines... Je n'ai point fait mon voyage pour l'écrire; j'avais un autre dessein; ce dessein, je l'ai rempli dans Les Martyrs. J'allais chercher des images; voilà tout. Je n'ai pu voir Sparte, Athènes, Jérusalem, sans faire quelques réflexions. Ces réflexions ne pouvaient entrer dans le sujet d'une épopée, elles sont restées sur mon journal de route: je les publie aujourd'hui dans ce que j'appelle Itinéraire de Paris à Jérusalem, faute d'avoir trouvé un titre plus convenable à mon sujet. '

Tivoli et la Villa Adriana



10 décembre 1803.

Je suis peut-être le premier étranger qui ait fait la course de Tivoli dans une disposition d’âme qu’on ne porte guère en voyage. Me voilà seul arrivé à sept heures du soir, le 10 décembre, à l’auberge du Temple de la Sibylle. J’occupe une petite chambre à l’extrémité de l’auberge, en face de la cascade, que j’entends mugir. J’ai essayé d’y jeter un regard; je n’ai découvert dans la profondeur de l’obscurité que quelques lueurs blanches produites par le mouvement des eaux. Il m’a semblé apercevoir au loin une enceinte formée d’arbres et de maisons, et autour de cette enceinte un cercle de montagnes. Je ne sais ce que le jour changera demain à ce paysage de nuit.

Le lieu est propre à la réflexion et à la rêverie: je remonte dans ma vie passée; je sens le poids du présent, et je cherche à pénétrer mon avenir. Où serai-je, que ferai-je, et que serai-je dans vingt ans d’ici? Toutes les fois que l’on descend en soi-même, à tous les vagues projets que l’on forme, on trouve un obstacle invincible, une incertitude causée par une certitude: cet obstacle, cette certitude est la mort, cette terrible mort qui arrête tout, qui vous frappe vous ou les autres.

Est-ce un ami que vous avez perdu? En vain avez-vous mille choses à lui dire: malheureux, isolé, errant sur la terre, ne pouvant conter vos peines ou vos plaisirs à personne, vous appelez votre ami, et il ne viendra plus soulager vos maux, partager vos joies; il ne vous dira plus: « Vous avez eu tort, vous avez eu raison d’agir ainsi. » Maintenant il vous faut marcher seul. Devenez riche, puissant, célèbre, que ferez-vous de ces prospérités sans votre ami? Une chose a tout détruit, la mort. Flots qui vous précipitez dans cette nuit profonde où je vous entends gronder, disparaissez-vous plus vite que les jours de l’homme, ou pouvez-vous me dire ce que c’est que l’homme, vous qui avez vu passer tant de générations sur ces bords?

Ce 11 décembre.

Aussitôt que le jour a paru, j’ai ouvert mes fenêtres. Ma première vue de Tivoli dans les ténèbres était assez exacte; mais la cascade m’a paru petite, et les arbres que j’avais cru apercevoir n’existaient point. Un amas de vilaines maisons s’élevait de l’autre côté de la rivière; le tout était enclos de montagnes dépouillées. Une vive aurore derrière ces montagnes, le temple de Vesta, à quatre pas de moi, dominant la grotte de Neptune, m’ont consolé. Immédiatement au-dessus de la chute, un troupeau de boeufs, d’ânes et de chevaux s’est rangé le long d’un banc de sable: toutes ces bêtes se sont avancées d’un pas dans le Teverone, ont baissé le cou et ont bu lentement au courant de l’eau qui passait comme un éclair devant elles, pour se précipiter. Un paysan sabin, vêtu d’une peau de chèvre et portant une espèce de chlamyde roulée au bras gauche, s’est appuyé sur un bâton et a regardé boire son troupeau, scène qui contrastait par son immobilité et son silence avec le mouvement et le bruit des flots.

Mon déjeuner fini, on m’a amené un guide, et je suis allé me placer avec lui sur le pont de la cascade: j’avais vu la cataracte du Niagara. Du pont de la cascade nous sommes descendus à la grotte de Neptune, ainsi nommée, je crois, par Vernet. L’Anio, après sa première chute sous le pont, s’engouffre parmi des roches et reparaît dans cette grotte de Neptune, pour aller faire une seconde chute à la grotte des Sirènes.

Le bassin de la grotte de Neptune a la forme d’une coupe: j’y ai vu boire des colombes. Un colombier creusé dans le roc, et ressemblant à l’aire d’un aigle plutôt qu’à l’abri d’un pigeon, présente à ces pauvres oiseaux une hospitalité trompeuse; ils se croient en sûreté dans ce lieu en apparence inaccessible; ils y font leur nid; mais une route secrète y mène: pendant les ténèbres, un ravisseur enlève les petits qui dormaient sans crainte au bruit des eaux sous l’aile de leur mère:

Observans nido implumes detraxit.

De la grotte de Neptune remontant à Tivoli, et sortant par la porte Angelo ou de l’Abruzze, mon cicérone m’a conduit dans le pays des Sabins,pubemque sabellum. J’ai marché à l’aval de l’Anio jusqu’à un champ d’oliviers, où s’ouvre une vue pittoresque sur cette célèbre solitude. On aperçoit à la fois le temple